100 élèves / 2nde, 1ère et Terminale option cinéma et spécialité cinéma/ accompagnés par trois professeurs de cinéma
C’est accompagné d’un de ses amis rencontré sur les bancs du lycée Balzac, que le scénariste Jean-François Halin a repoussé les portes de son ancien établissement à Tours. Sous un soleil radieux, l’artiste a pu redécouvrir les lieux dans lesquels sont nées des amitiés solides. Bien que le lycée ait été largement rénové depuis leur départ, les deux amis ont vite retrouvé leurs marques au sein des bâtiments imposants et reconnu de nombreux détails, des salles et couloirs, et retrouvé avec émotion l’atmosphère de l’établissement.
L’artiste a été chaleureusement accueilli par la centaine d’élèves présents pour cette rencontre, tous impatients de faire sa connaissance et de lui poser leurs nombreuses questions sur son parcours, ses œuvres emblématiques mais aussi sur le métier de scénariste. L’artiste a commencé son intervention en présentant le contexte, évoquant son émotion d’être présent et accompagné par son ami du lycée, et installant une ambiance de franche camaraderie, demandant notamment aux élèves de ne pas l’appeler “Monsieur”.
Scolarisé au lycée Balzac dans les années 70, Jean-François Halin a commencé, avec un second degré provocateur, par prodiguer un premier “conseil” aux élèves. En effet, ayant redoublé sa seconde, il s’est ensuite retrouvé dans une classe dans laquelle il s’est épanoui et fait de nombreux amis. Redoublez! a t’il ainsi lancé aux élèves.
« Qu’avez-vous fait en sortant du lycée Balzac ? » a demandé le premier élève à prendre la parole, lançant l’auteur sur ses souvenirs du lycée et son parcours tourangeau. Arrivé en seconde dans le lycée, Jean-François Halin venait d’une petite ville de la banlieue de Tours (où selon ses dires, le niveau scolaire était moins élevé qu’à Tours et au lycée Balzac) et de bon élève au collège, il s’est senti comme déclassé en arrivant au lycée, provoquant son redoublement avec le succès évoqué plus haut. Jean-Francois Halin a confié aux élèves qu’il a toujours écrit et a toujours voulu écrire. Il s’est donc logiquement impliqué dans le journal du lycée et en a profité pour conseiller aux élèves désireux d’embrasser une carrière dans l’écriture d’écrire, toujours, quotidiennement. Ne venant pas d’un milieu dans lequel l’écriture pouvait être perçue comme un métier, l’artiste a, après son lycée, étudié dans une école de commerce bien classée. C’est son chemin de vie qui l’a ensuite rapproché professionnellement de l’écriture et des médias, via notamment un premier concours d’impro inter écoles remporté, qui l’a mené ensuite à tenir une chronique dans une radio locale de Nantes séduite par sa verve. Ce sont les rencontres qui ont ensuite construit le parcours de Jean-François Halin. De la radio à Canal+ avec l’écriture pour la Guignols de l’Info pour lesquels il a écrit de nombreuses années, puis la co-écriture de scénarios pour le cinéma et la télévision.
Comme de nombreux artistes, l’auteur a insisté sur l’importance des rencontres dans sa carrière, la ténacité aussi, la volonté de faire de l’écriture son métier et le fait d’accepter qu’un tel parcours n’est jamais linéaire ni évident. Il est entré dans le monde du cinéma par des hasards, des rencontres mais grâce à l’envie.
Après avoir, avec de nombreux traits d’humour, évoqué son parcours, Jean-François Halin a détaillé ce que chaque expérience lui a apporté, de l’expérience des Guignols, très ancrée dans une époque, qui était un exercice collectif quotidien, à la création ou co création de films tels qu’OSS 117 “la rencontre entre un scénariste, un réalisateur et un acteur”.
« Les phrases d’OSS117 sont cultes. Quand vous avez écrit le scénario, avez-vous imaginé ce retentissement ? » a demandé un élève. L’artiste a répondu sans hésitation « Ha non ! ». Il a expliqué que ce phénomène était d’ailleurs assez inexplicable. Voir des adolescents d’aujourd’hui sortir ces phrases, des générations plus tard, c’est étonnant a t’il relevé.
Selon le scénariste, ce qui fait la réussite d’un texte culte, c’est quand il y a une sorte d’adéquation entre le personnage et les dialogues. On n’écrit pas pour créer des phrases cultes, elles adviennent sans que l’on ne comprenne pourquoi. « Si on cherche à les anticiper, ça ne marche pas ».
Interrogé sur son genre, l’humour un peu “pince sans rire” dont il est friand, l’auteur a expliqué réfléchir au contexte dans lequel il écrit et à imaginer des dispositifs humoristiques. Par exemple dans OSS117 et Au service de la France, il a expliqué s’être inspiré du ton employé par les acteurs de doublage, qui laissent le ton “en l’air” du fait de la lecture des bandes rythmo, ce qui, interprété en live sur le plateau donne une impression comique. L’humour, a-t-il souligné, permet de parler des sujets importants de manière détournée, tout en faisant passer des messages. Le fait de placer ses fictions dans des époques révolues permet de dénoncer encore plus fortement certains sujets, a t’il relevé, détaillant que les 3 scénarios d’OSS dénonçaient chacun une problématique sociétale (le racisme, l’antisémitisme, …). De la même manière, Jean-François Halin a révélé beaucoup s’appuyer sur des dispositifs cinématographiques en les détournant (le film d’espionnage, les codes du cinéma des années 50, le dispositif de la nuit américaine trop appuyé etc) provoquant l’effet comique.
« Tu écris en fonction des acteurs ? » a questionné une élève. « Non, j’écris pour les personnages » a-t-il répondu rapidement, donnant pour rebondir l’exemple d’OSS 117. Il a expliqué aux élèves qu’il n’avait pas écrit les dialogues en fonction de Jean Dujardin, mais bien en fonction du personnage qu’il avait imaginé, interprété par Jean Dujardin. Jean-François Halin a raconté qu’il aimait beaucoup écrire des personnages sûrs d’eux, sans ambiguïté apparente, qui n’avaient pas de doute car selon lui, ils ont un grand potentiel humoristique.
Les lycéens se sont ensuite demandé quels étaient les conseils pour écrire un bon scénario. « Un conseil idiot mais qui marche bien », c’est que quand on veut écrire, il faut écrire tous les jours. Un quart d’heure, une heure, … Et même si ce n’est pas terrible, il faut continuer, revenir sur son texte le lendemain et le faire évoluer. Et ce qui est magique, c’est qu’au bout d’un moment d’entraînement, la tendance s’inverse et c’est l’écriture qui nous guide, a partagé le scénariste. Il arrive alors que l’histoire prenne des chemins assez inattendus. Concernant le scénario spécifiquement, l’artiste est revenu sur les étapes de l’écriture : le pitch, les personnages, l’histoire, les scènes puis les dialogues, … « Mais ce qu’est un bon scénario, je ne sais pas vraiment … », ajoutant que c’était une question tout à fait relative. La clé, a-t-il rappelé, reste l’expérience, le travail et la persévérance.
Peut-on se sentir coincé dans une histoire, un projet lorsque celui prend de l’ampleur comme OSS117, s’est demandé le jeune public. Oui, a-t-il répondu honnêtement. Il a raconté avoir peur de ne jamais en “sortir”. Bien qu’il soit très fier de ce succès, très attaché au personnage, il pense avoir fait le tour de ce qu’il avait à dire à travers ce personnage au cinéma. Néanmoins, le label OSS117 fait que les gens savent ce qu’ils vont voir, c’est donc un vecteur formidable pour véhiculer des messages et le scénariste a avoué qu’il souhaitait explorer autre choseautour d’OSS 117.
Interrogé sur le temps nécessaire à l’écriture d’un film, le scénariste a répondu qu’il était plutôt long. Il fait attention à la précision de ses écrits : le travail de recherche, de détermination du contexte, puis l’écriture des dialogues, le décor, les interactions, … Cela lui prend entre 1 an et demi et deux ans en moyenne, mais cela peut également être beaucoup plus long. Evoquant le temps, l’auteur a également répondu à la question de sa rémunération. C’est avec beaucoup d’honnêteté qu’il a confié aux élèves qu’être scénariste n’était pas le métier qui rapportait le plus dans le secteur. Rappelant que les auteurs ne sont pas salariés, ne disposent pas de revenus réguliers, Jean-François Halin a évoqué le travail indispensable de la SACD, la société de gestion des droits des auteurs, qui permet une rémunération liée à la diffusion des oeuvres, rappelant que par exemple Au service de la France, après avoir été diffusée sur Arte a été diffusée sur Netflix, permettant une nouvelle rémunération. L’auteur a rappelé qu’un scénariste doit s’assurer de travailler sur plusieurs projets en même temps afin de se garantir une certaine sécurité financière.
Jean-François Halin a également évoqué son travail sur la série Au service de la France que de nombreux jeunes avaient vue (elle était sur Netflix durant le confinement a rappelé l’auteur ! ), la spécificité de l’écriture sérielle, et son goût pour la télévision, l’opportunité via une série d’approfondir les trajectoires des personnages, soulignant le lien entre l’univers d’Au service de la France et celui d’OSS, dans l’humour et le traitement des sujets sociétaux à travers une époque différente, tout en restant très contemporain.
Enfin, un élève a évoqué la question de l’impact de l’IA sur son métier et le secteur audiovisuel. L’auteur a évoqué une expérience très récente d’utilisation de ChatGPT sur une recherche très ponctuelle dont le résultat l’a autant fasciné qu’effrayé par son efficacité. Entre fascination et inquiétude, il a dit être plus concerné par le deepface – technique de synthèse de visages– plus que par le remplacement de son métier par les IA. Les progrès étant exponentiels et leur usage de plus en plus répandu, l’artiste est concerné par la possibilité imminente de faire des films sans acteur ou avec des acteurs décédés, rappelant les négociations des acteurs américains qui cèdent désormais également des droits pour apparaître dans des œuvres à titre posthume. Jean-François Halin croit sincèrement qu’il y aura encore besoin d’auteurs pour raconter de “vraies” histoires, inspirées d’un vécu, et porteuses d’une véritable vision de créateur.
La discussion s’est conclue sur les applaudissements des élèves, ravis de cette rencontre et sur un moment privilégié avec l’artiste pour les plus curieux, à la fin de l’échange avec un artiste accessible, généreux et qui a su donner à l’échange une note décalée, propre à son style, que tous ont appréciée.