
105 élèves de seconde accompagnés par 2 professeures de français et 2 professeures documentalistes
David Cailley était de retour au Lycée des Graves à Gradignan, près de Bordeaux, pour échanger avec les élèves dans le cadre du partenariat entre l’Académie des César et un Artiste à l’école. Quelque temps auparavant, le directeur de la photographie avait déjà remis les pieds dans son ancien établissement pour tourner quelques scènes du Règne Animal, film qui lui a valu le César de la meilleure photographie et que les lycéens ont découvert en amont.
Chaleureusement accueilli sur place par les professeures documentalistes, David Cailley a rencontré plusieurs classes de seconde, lors de deux temps d’échange d’une heure. Pour commencer cette discussion, David Cailley a défini son métier : « en collaboration avec le réalisateur ou la réalisatrice, je suis là pour l’aider à réaliser les plans qu’il ou elle a en tête ». Il a ensuite évoqué les différents postes au sein de l’équipe image. Tout d’abord, le chef opérateur qui gère la caméra et les lumières qui vont servir sur le plateau. Les machinistes vont s’occuper des mouvements de caméra et du matériel. Les électros, quant à eux, s’occupent d’installer la lumière. Il y a également des assistants caméra. En tant que directeur de la photographie, David Cailley est à la tête de cette équipe. Il travaille en lien avec les autres départements (costumes, maquillage, VFX) et effectue des tests en amont avec les couleurs et les textures du décor et des costumes.
Questionné par les élèves sur son parcours, David a précisé qu’il n’y avait pas d’obligation d’années d’études requises pour travailler dans le département image. Cela peut s’apprendre petit à petit en démarrant en étant assistant opérateur et en grimpant les échelons. Troisième, deuxième puis premier assistant. On peut faire une école de cinéma, ce qui fut son cas, pour se former et, principalement, faire des rencontres et se construire un réseau.
« Je n’avais jamais envisagé ça comme un vrai métier »

Concernant son parcours, David Cailley a poursuivi des études scientifiques après son bac. Une maîtrise d’électronique en poche, il a passé un CAPES pour être professeur d’électronique. Il a enseigné la physique appliquée pendant deux ans, période durant laquelle il révisait en parallèle le concours des différentes écoles de cinéma. Il est entré à Louis-Lumière à 27 ans et, par la suite, a commencé en tant qu’assistant opérateur puis chef opérateur. Lors de son parcours, David Cailley s’est essayé à d’autres postes et s’est également intéressé à la réalisation. Sa formation initiale, scientifique, l’a mené vers l’image, un département plus technique.
« J’étais familier avec l’image et la manière de filmer »
Un élève s’est interrogé : ce que David Cailley a appris au lycée lui sert-il aujourd’hui ? Le directeur de la photographie a énuméré quelques règles de base qui lui servent toujours : la règle de 3, les notions d’optique et la trajectoire de la lumière.
Pour continuer la rencontre, il a montré aux élèves les documents de préparation du Règne Animal : repérage des décors, dessins des monstres, costumes et VFX, storyboard…. Comme son frère, Thomas Cailley, était le réalisateur, ce projet était particulier pour lui et il s’était investi dès le départ, pour contribuer à faire exister l’univers de ce film. Un élève lui a demandé quelle avait été la scène du Règne Animal la plus compliquée à tourner. Lors de ce tournage, qui a nécessité 55 jours, David Cailly a expliqué que les difficultés étaient différentes selon les membres de l’équipe. Mais, pour lui, un des enjeux principaux était les scènes de nuit en forêt. Il a évoqué la panne d’un camion qui transportait un groupe électrogène. Une grande partie de son métier consiste justement à savoir réagir face à ces imprévus. Cependant, avec un repérage des lieux en amont, il faut arriver à anticiper au maximum le décor et ses changements. Et « quand les films sont réussis, on fait assez vite le deuil des défauts ». Pour ce film, les références visuelles étaient nombreuses et variées selon les séquences, allant de Bong Joon-ho à Steven Spielberg, en passant par Miyazaki. Pour David Cailley, l’essentiel n’est toutefois pas de copier des scènes existantes, mais bien de trouver la singularité et la tonalité propre à chaque film : « On n’est pas là pour reproduire une scène de film, mais pour trouver la singularité de ce qu’on va faire », a-t-il affirmé.

Quelques questions d’élèves tournaient sur la thématique du film, cherchant des explications précises. David Cailley a expliqué qu’il préférait les films qui laissent au spectateur la liberté de se poser ses propres questions. Selon lui, il est toujours plus intéressant de réfléchir à ce que le film raconte et à la résonance qu’il peut avoir avec chacun, plutôt que de vouloir absolument délivrer un message unique et fermé.
Interrogé sur le budget du film et ses aspects techniques, David Cailley a précisé que la conception des créatures représentait un coût important. Initialement imaginées recouvertes de poils, les créatures ont finalement été réalisées avec des textures de peau plus sobres, afin de limiter les dépenses. Le film a aussi beaucoup misé sur les effets spéciaux numériques, notamment pour les plans serrés et les scènes nécessitant de l’animation. Le budget global s’est ainsi élevé entre 13 et 15 millions d’euros, une somme conséquente pour une production française, mais a été bien reçu par le public en salle.
Le directeur de la photographie a également précisé qu’il est difficile pour lui de mesurer l’impact qu’aura un film sur la suite de sa carrière. Le succès peut se révéler sur la durée et, même lorsqu’un film fonctionne bien, cela ne garantit pas immédiatement de nouveaux projets. Parfois, aucune proposition n’arrive, parfois deux ou trois en même temps.
Interrogé sur la rémunération, David Cailley était sous le régime de l’intermittence du spectacle. Les revenus varient selon les projets et les productions. Lorsque le film est terminé, le contrat s’arrête et il peut se passer plusieurs semaines ou mois avant de retravailler. « Quand on travaille, on gagne bien sa vie, mais le plus difficile, c’est surtout de ne pas travailler », a-t-il confié aux élèves. Enfin, concernant les conditions de travail, David Cailley a évoqué la particularité du métier de directeur de la photographie, souvent amené à travailler en région parisienne, mais aussi à se déplacer pendant plusieurs semaines pour des tournages dans d’autres régions. Le Règne Animal a ainsi été tourné en Dordogne, dans un collège et un lycée, mais aussi à Mérignac pour la scène de l’ambulance. Il a souligné l’ambiance chaleureuse et solidaire qui règne souvent sur un plateau de tournage, des moments intenses et concentrés où toute l’équipe vit ensemble pendant plusieurs semaines.
Cette rencontre, ponctuée de conseils, d’anecdotes et d’explications du directeur de la photographie, a clôturé la 4e édition de notre partenariat avec l’Académie des César.
Presse
Sud Ouest (Gironde) – 10 mai 2025