
40 élèves de spécialité et option Théâtre (tous niveaux) encadrés par une professeure documentaliste et les professeurs de théâtre
C’est avec un grand enthousiasme que Stéphane Taillasson, chef décorateur et double lauréat du César des meilleurs décors pour Les Trois Mousquetaires et Le Comte de Monte-cristo, est revenu au lycée Paul Eluard à Saint-Denis. Une rencontre riche en émotion qui a, sans aucun doute, marqué les lycéens, touchés de voir un ancien élève qui a réussi en suivant ses envies, combattant les stéréotypes dont souffre trop souvent la banlieue parisienne.
Sur place, notre équipe a été bien accueillie par Madame Mestre, professeure documentaliste, qui avait chapeauté cette intervention. Le temps d’un café, nous avons pu échanger avec la direction de l’établissement qui, admirant le travail réalisé sur Le Comte de Monte-Cristo, était ravie de la venue de cet ancien élève. Nous avons également pris le temps de faire une petite visite de l’établissement, guidée par deux élèves de seconde. Stéphane Taillasson a ensuite rencontré les lycéens de spécialité et option théâtre, qui ont eu l’occasion de voir Les Trois Mousquetaires Partie I pour préparer quelques questions.


Né à Saint-Denis, le chef décorateur est fier de n’avoir jamais quitté cette ville, même pour ses études, qu’il a suivies à Paris 8. Plus jeune, élève dans la moyenne, il se voyait professeur de gym. Mais travaillant pour se faire de l’argent au Théâtre Gérard Philipe, où il démontait des décors et s’occupait des lumières, il a découvert la scénographe lumière. Continuant son activité dans des théâtres, il a alors tenté un concours pour une école spécialisée, qu’il n’a pas réussi. Amateur de cinéma, il s’est finalement inscrit à un DEUG à Paris 8 et c’est au cours d’un stage qu’il a découvert son intérêt pour les décors.
« Il ne faut pas avoir peur de croire en son instinct. quand on sent quelque chose, il faut y aller. »
Il a ensuite évolué, au fur et à mesure des stages et des expériences, jusqu’à devenir premier assistant décorateur. Là encore, il ne se voyait toujours pas chef décorateur…Mais il a fini par occuper ce poste sur Tournée de Mathieu Amalric. Il a ensuite été appelé pour un projet de Dominique Farrugia, et tout s’est enchaîné. Entre deux projets, n’ayant pas fait d’école spécialisée, il a fait plusieurs formations pour se perfectionner, car le métier de chef décorateur nécessite des compétences et connaissances techniques notamment en graphisme, ainsi qu’un sens artistique. Sa carrière s’est construite grâce aux rencontres et au travail, a précisé Stéphane Taillasson, qui travaille parfois 14h par jour sur un projet, lors des périodes chargées.
Pendant ces deux heures de rencontre, les élèves ont eu de nombreuses questions à poser. Plusieurs ont également exprimé leur gratitude face à sa venue au lycée, face à sa fierté d’être dionysien et face à son parcours qui leur donne de l’espoir, alors qu’ils souffrent parfois des clichés associés à la banlieue et à la Seine-Saint-Denis.
Questionné sur les difficultés qu’il rencontre dans son travail, Stéphane Taillasson a précisé que son premier problème était souvent le budget qui limite ses idées. Pour Les Trois Mousquetaires, un grand nombre de scènes était en décor naturel, mais d’autres projets nécessitent la construction des décors. Il faut alors monter une bonne équipe, sur laquelle on peut s’appuyer. Le plus délicat est de définir la direction artistique générale, en accord avec le réalisateur, et de transmettre ses intentions à son équipe. La communication est au cœur de son travail, devant s’accorder avec tous les départements du film (VFX, costumes, scénariste, réalisateur, chef opérateur…) : « On travaille en symbiose, en osmose, avec bienveillance ».
« C’est aussi des aventures humaines, d’équipe, de rencontres. »
Concernant le budget moyen alloué aux décors, il dépend du type de production mais reste compris entre 8 et 10% du budget total du film. Par exemple, pour Les Trois Mousquetaires, production à gros budget, il disposait de 7 millions par film. Travaillant actuellement sur un projet sur le procès de Bobigny, il a obtenu 700 000 euros pour ses décors.
Un élève lui a demandé s’il avait eu des regrets face au rendu d’un film. Le chef décorateur a indiqué qu’il pouvait être déçu de l’énergie investie dans la décoration d’une pièce qui n’a finalement pas été mise en valeur, en raison d’une lumière trop sombre ou d’une prise de vue resserrée sur un acteur. Parfois, même s’il essaie d’anticiper cette partie, l’étalonnage du film peut atténuer les couleurs et les reliefs qu’il avait initialement en tête, comme ce fut le cas pour Les Trois Mousquetaires.


Interrogé sur ses sources d’inspiration pour Les Trois Mousquetaires, Stéphane Taillasson a précisé que le réalisateur souhaitait un décor patiné, se référant aux westerns. Avec cette simple indication, il a été très libre de la création. Pour ce film d’époque, il a fait appel à des documentalistes au début du projet, ainsi que d’autres professionnels spécialisés, pour être guidé au mieux dans ses choix. Chaque projet est un challenge où il apprend de nouvelles choses, chaque film lui donne l’impression de retourner à l’école.
Pour conclure cet échange, Stéphane Taillasson a donné quelques conseils aux élèves face à lui, insistant sur l’importance d’être proactif.
« Il faut y croire, puis il faut travailler ! Se cultiver, sortir, être curieux, communiquer avec les gens, être ouvert, voyager, être singulier (…). Un jour, ça paye ! »

Crédits photo : Vincent Mottez pour l’Académie des César 2025