
40 élèves de terminale spécialités théâtre et arts plastiques, accompagnés par leur professeure d’arts plastiques et leur professeur de théâtre.
Après plus d’un demi-siècle, Régine Chopinot est revenue sur les bancs de son lycée, qu’elle a quitté en 1971. Chaleureusement accueillie par Claire-Marie Durand-Bärtschi, professeure d’arts plastiques, et Quentin Delobel, professeur de théâtre, elle a revisité avec émotion l’établissement situé face au parc Chabrières d’Oullins. Avant d’accueillir les élèves dans la salle d’arts plastiques, Régine Chopinot a souhaité réorganiser l’espace pour que chacun puisse s’asseoir en cercle, se voir et se mouvoir.
La danseuse a introduit la rencontre en évoquant la maison de retraite Claude Bernard, voisine du lycée, où réside son père Hubert, âgé de 95 ans. Elle a proposé aux élèves d’aller le saluer depuis la cour, qui donne sur la terrasse de l’Ehpad. Pour cela, elle a répété avec eux une petite chorégraphie, précédée d’un échauffement mêlant mouvements corporels et rythmes, qui a donné lieu à un moment joyeux et inattendu.

Depuis sa terrasse, son père, visiblement ému, a assisté à cette salutation. Cet exercice spontané a permis d’établir un premier contact entre Régine Chopinot et les élèves, avant d’entrer dans un dialogue plus profond.

De retour dans la classe, Régine Chopinot s’est brièvement présentée, confiant combien il était important pour elle de rencontrer ceux qui seront là quand elle ne le sera plus, qu’il s’agissait d’une sorte de relais. C’est dans cet esprit de transmission que s’est déroulée la rencontre. Très différente des habituelles interventions organisées par Un Artiste à l’École, celle-ci ne portait pas principalement sur le parcours ou l’œuvre de l’artiste, mais sur ce qu’elle en retire. Avec sagesse, philosophie et légèreté, elle a partagé avec les élèves sa perception du monde, de l’art et de la création.
Portant une attention sincère et un profond respect pour chacun, Régine Chopinot s’est tournée vers les élèves, leur demandant qui aimerait devenir artiste et ce qu’ils aiment dans l’art qu’ils pratiquent. Plusieurs mains timides se sont levées : l’une voudrait devenir comédienne, une autre cinéaste, une autre encore illustratrice.
Régine Chopinot a rebondi sur ces réponses en parlant des artistes avec qui elle a travaillé, mentionnant notamment Andy Goldsworthy et Jean-Paul Gaultier, avec qui elle collabore depuis longtemps. Ensemble, ils ont pour projet de remonter Le Défilé, une pièce créée en 1985, qu’ils présenteront en 2027 à Lyon. Elle est revenue sur la manière dont cette collaboration a débuté. En 1978, animée par sa passion pour la mode, elle a pris l’initiative d’écrire à Jean-Paul Gaultier, alors peu connu, pour lui proposer de travailler avec lui. Cette audace lui a valu un rendez-vous. À travers cette anecdote, elle a encouragé les élèves à suivre leurs envies sans hésitation : « quand vous avez envie de faire quelque chose, il faut le faire. Toujours. Toujours oser ». Elle a souligné que trop peu de personnes osent aller à la rencontre de ceux qui les inspirent, alors qu’un message sincère peut souvent ouvrir des portes : « si vous l’écrivez avec votre cœur, en général, ça ouvre toutes les portes. […] Et si on a un non, c’est pas très grave. Il faut juste recommencer ».
Insistant sur l’importance de l’échec, elle a affirmé qu’une très grande partie des projets qu’elle a initiés n’ont jamais vu le jour, ajoutant que « c’est ça le chemin de la création, […] et la seule chose qu’il faut essayer de faire, c’est passer beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps à faire ce que vous aimez ». Ainsi, « quand on aime quelque chose, alors on voit plus l’heure, on n’est plus dans l’heure de la montre, on est dans un autre temps, où on s’ennuie plus du tout ».
D’abord timides, les élèves ont posé de plus en plus de questions au fil de la rencontre. À une question d’une élève qui lui a demandé quand elle a su qu’elle voulait devenir danseuse et chorégraphe, Régine Chopinot a répondu que, dès l’enfance, elle sentait qu’elle n’était pas sur le même chemin que les autres. Avec un tempérament rebelle, elle a souvent été dans la négation, refusant ce qu’on lui proposait. « Si vous êtes un tant soit peu rebelles, je pense que c’est important de continuer à l’être », a-t-elle affirmé, tout en précisant qu’aujourd’hui, elle s’efforce depuis dix ans de dire oui.
Interrogée sur la lassitude et le besoin de changement dans son métier, elle a assuré que se lasser lui semble impossible quand on est toujours en mouvement, curieuse, en exploration. Elle voyage, bouge, va à la rencontre de ce qu’elle ne connaît pas, des Maoris et des Samoans, par exemple. « Quand t’es artiste, tu ne peux pas être dégoûté de ce que tu fais », a-t-elle affirmé. Et explorer de nouveaux horizons, elle le fait sans cesse. Elle a notamment parlé de son engagement auprès de mineurs isolés dans un centre d’alphabétisation à Toulon, où elle a animé des ateliers d’apprentissage du français par la danse. Ce projet en a entraîné un autre, en lien avec l’Opéra de Paris, et c’est ainsi que l’on fait un chemin, que les projets se développent, a-t-elle conclu.



À la question de sa réaction face à la critique, elle a raconté avoir présenté des pièces où la moitié du public partait. Pour son spectacle WHA, certains spectateurs partaient en claquant bruyamment la porte, tandis que l’autre moitié de la salle était conquise. « Quand tu fais des choses fortes, tu ne peux pas plaire à tout le monde, c’est le jeu ». L’important pour elle est de ne jamais chercher à blesser, d’avoir une bonne entente avec les membres de son équipe et de s’assurer que chacun soit rémunéré équitablement.
« Collecter, trier, organiser. »
Régine Chopinot a ensuite partagé trois consignes qu’elle donne toujours à ses danseurs et danseuses : bouger plus vite que la pensée, se dépenser sans compter, don’t think, only go. Fidèle à ce principe d’élan et d’intuition, elle a également cité une triplette formulée par Andy Goldsworthy, qui guide son processus de création : collecter, trier, organiser. Enfin, elle a évoqué une autre formule transmise par son enseignant de yoga, Michel Alibert, qui résume selon elle le chemin de l’apprentissage : faire, savoir-faire, laisser faire.
Pleine d’énergie jusqu’au bout de la rencontre, elle a invité les élèves, visiblement enthousiastes, à reprendre ensemble quelques exercices corporels et rythmiques. Une manière vivante et joyeuse de clore ce moment de partage.
