Nina Barbier
Nina Barbier
Écrivaine et réalisatrice
Lycée Alexandre Dumas, Saint-Cloud (92)
20 mars 2024
C’est notre rôle en tant que documentariste de s’engouffrer dans une faille pour mettre en lumière des événements de l’histoire peu connus

60 élèves / Terminale / accompagnés d’une professeure documentaliste et une professeure de français

L’écrivaine et réalisatrice Nina Barbier était de retour dans son ancien établissement scolaire, le lycée Alexandre Dumas à Saint-Cloud (92). C’est avec une certaine émotion que l’artiste a repassé les portes de l’établissement pour venir échanger avec des élèves de terminale, qui avaient studieusement préparé la rencontre avec leurs enseignants. En effet, les lycéens ont eu l’occasion de visionner le documentaire Malgré-elles écrit et réalisé par Nina Barbier, tout en le mettant en perspective avec leur programme d’histoire. Nina Barbier a évoqué avec eux son parcours, ses différents métiers et a partagé ses conseils sur la conception d’un reportage historique ainsi que tout le processus créatif.

Cette rencontre fut l’occasion pour l’autrice de revisiter les lieux de son enfance qui n’ont, selon elle, finalement pas tant changé. Nina Barbier a très vite retrouvé ses repères, les couleurs des salles de classes, des odeurs et cette même cour de récréation avec sa vue imprenable sur la ville de Paris. Seul le CDI fut rénové et refait à neuf. Lieu qui, par ailleurs, a accueilli la rencontre avec les 60 élèves, tous impatients de faire la rencontre de l’écrivaine et réalisatrice.

L’échange fut lancé par la professeure de français soulignant la “chance” qu’avaient les élèves de pouvoir rencontrer une ancienne élève telle que Nina Barbier. L’artiste fut ensuite accueillie sous les applaudissements des élèves, dans le CDI, permettant une certaine forme de proximité entre l’artiste et les lycéens. La proviseure-adjointe s’est également jointe à la rencontre avec un petit mot pour Nina Barbier et l’assemblée, rappelant le caractère « formidable de cette initiative » et l’importance de l’exploration de soi. C’est avec un vrai message d’espoir qu’elle a rappelé aux élèves qu’un jour, peut-être, ce seront eux qui se tiendront debout devant leurs “successeurs”, pour parler de leur métier, comme le fait aujourd’hui Nina Barbier.

La première question, peu conventionnelle, a porté sur l’allemand, une langue largement étudiée par les lycéens, pour beaucoup en section euro-allemand : « Quand vous étiez au lycée, avez-vous étudié l’allemand ? ». En réalité, cette question fut l’opportunité pour l’autrice de faire un retour en arrière et évoquer son histoire et ses racines qui l’ont conduite à la réalisation de son documentaire Malgré-elles. L’artiste a répondu qu’en effet, à l’époque, elle avait suivi des cours d’allemand. Initialement peu amatrice de cette langue, elle a raconté avoir vite appris à l’aimer et à la pratiquer plus sérieusement. En effet, fille d’une mère alsacienne et de grands-parents allemands qui ne parlaient pas français, l’apprentissage de cette langue est rapidement apparu comme « obligatoire ». Nina Barbier a également profité de cette parenthèse sur l’apprentissage de l’allemand pour rappeler aux élèves, l’importance des langues étrangères : « Parler des langues étrangères, ça ouvre des portes ».

L’artiste a raconté avoir eu ce déclic au lycée, lorsqu’elle avait leur âge ; que ce soit pour comprendre le monde, renouer avec son histoire – parfois familiale – ou agrandir le champ des possibles, l’apprentissage de nouvelles langues offre assurément de grandes et belles opportunités.

La jeune génération s’est aussi questionnée sur la jeune fille qu’était Nina Barbier, durant la période du lycée et la manière dont elle se projetait dans l’âge adulte. Cette question a ramené l’autrice à ses débuts difficiles dans l’établissement, marqués par le décès de son père. Sa relation avec cette période de vie, ainsi que son rapport au monde, n’ont donc pas été des plus simples, mais ce fut aussi une période riche en découvertes. Le lycée est l’endroit où Nina Barbier s’est initiée au théâtre avec des amis. Ce fut le début d’une aventure qui l’a grandement libérée, mais surtout, qui l’a ouverte et connectée avec le milieu artistique via le théâtre. Le lycée – notamment les enseignements littéraires et une excellente professeure de français – a également permis à l’artiste de développer et d’approfondir son amour pour la littérature. En résumé, Nina Barbier a défini ses années lycée comme le lieu de naissance de son « expression artistique ». Après le lycée, elle a tenté Sciences Po dont elle n’a pas réussi le concours d’admission, et s’est retrouvée à l’université de Nanterre, en sciences économiques. Malgré une certaine déception à l’entrée de cette université, Nina Barbier a confié avoir adoré ses années d’études supérieures. À 20 ans, elle est partie à Bruxelles faire une école de cinéma. C’est en grande partie grâce à cette formation qu’elle a confirmé son envie de raconter des histoires, travailler l’image et surtout, développé l’idée de réaliser une œuvre sur l’histoire de sa famille, marquée par la Seconde Guerre mondiale.

Les questions des élèves ont ensuite beaucoup tourné autour de l’histoire et des œuvres de Nina Barbier, dont certaines ont été scrupuleusement étudiées par les lycéens. Les élèves se sont notamment demandé comment était né le documentaire Malgré-elles, et la manière dont elle s’était documentée pour le réaliser.

 

 Nina Barbier a retissé le fil de son histoire en remontant à ses 17 ans, lorsqu’elle trouva une photo de sa mère sous un drapeau nazi. Elle a raconté avoir demandé une explication à cette dernière, qui est restée complètement fermée sur le sujet. Ce n’est que plus tard, après un certain bagage culturel acquis et suite à ses études de cinéma, que l’artiste est revenue auprès de sa mère pour dérouler le fil de l’histoire et la mettre en images. L’artiste en a profité pour rappeler l’importance de réaliser et diffuser des documentaires : “Il y a tellement de choses à apprendre sur la Deuxième Guerre mondiale ! C’est notre rôle, en tant que documentariste, de s’engouffrer dans une faille pour mettre en lumière des événements de l’histoire peu connus.” Elle est également revenue sur l’impact de Malgré-elles qui a largement libéré la parole des femmes. À la suite de la sortie de son documentaire, l’autrice a dit avoir reçu un grand nombre de témoignages de femmes, qui l’ont poussée à continuer son œuvre et faire la résonner davantage. C’est ainsi qu’est né son livre – du même titre – Malgré-elles.

Concernant la manière d’investiguer et de mener ses recherches, Nina a expliqué qu’elle s’était rapidement tournée vers des associations qui œuvraient pour la reconnaissance des femmes, forcées de travailler pour le parti nazi. Son projet l’a également amenée à se déplacer beaucoup, notamment dans la région de ses ancêtres en Alsace, ainsi qu’aux archives de Berlin, qui ont permis de prouver le statut et la reconnaissance de ces femmes, et donc nourrir le travail de recherche de l’écrivaine et réalisatrice. 

Pour les témoignages, ce ne fut pas simple, confia Nina Barbier. Certaines femmes – notamment au sein des associations – ont revendiqué leur droit de parole et ont saisi cette opportunité de témoigner. Pour d’autres, c’était beaucoup plus compliqué. Certaines ne voulaient pas s’exprimer, d’autres avaient du mal à se livrer devant la caméra  : « Initialement, j’avais un panel de 30 femmes et au final, il n’en est resté que 10. ».   

Enfin et suite à une question concernant sa vision des moments marquants de son documentaire, c’est sans hésitation que Nina Barbier a répondu qu’il s’agissait des témoignages et de la violence des récits. Ils comportent inévitablement une dimension émotionnelle très forte. L’artiste a raconté avoir souvent échangé avec des femmes en larmes, témoins des atrocités de la guerre. Ce fut alors l’occasion pour l’artiste de donner de précieux conseils aux élèves : « Quand on est documentariste, il faut créer un vrai lien avec les gens que l’on interviewe. Il faut que les témoins se sentent en confiance pour se livrer. Et c’est aussi là, tout le travail du documentariste : développer sa qualité d’écoute et son empathie. ».

Pour clore cet échange dynamique et qui a marqué l’intérêt des élèves, Nina Barbier a évoqué ses derniers projets en cours, tout à fait différents des précédents. En effet, l’artiste a confié travailler sur un projet de réalité virtuelle en lien avec le Musée d’Histoire Naturelle de Paris. Un projet qui a su attiser la curiosité des élèves, pour certains déjà impatients de se rendre sur les lieux, découvrir l’art de Nina Barbier sous un nouvel angle.