Sarah Beaulieu_© Nicolas Nova
Sarah Beaulieu
Scénariste, narrative designer
Collège Jean-Philippe Rameau, Champagne-au-Mont-d'Or (69)
21 mars 2024
Au-delà de la nostalgie de retourner dans les murs de mon ancien collège, je trouve l’initiative aussi belle qu'indispensable ; offrir une perspective concrète aux élèves, leur dire que s’ils le souhaitent, ils peuvent faire le métier dont ils rêvent, cela me touche particulièrement.

60 élèves / 4ème / accompagnés par deux professeures de français et une professeure documentaliste

La scénariste et narrative designer Sarah Beaulieu a répondu à notre invitation à revenir sur les bancs de son ancien collège, Jean-Philippe Rameau, à Champagne-au-Mont-d’Or dans le Rhône. Cette rencontre fut l’occasion pour l’artiste de venir à la rencontre de la jeune génération pour échanger avec elle sur son parcours, ses œuvres et son métier de scénariste et narrative designer, peu connu du public. L’artiste a pu échanger avec une soixantaine d’élèves de quatrième, tous impatients et curieux de faire la rencontre de cette ancienne élève, aujourd’hui figure incontournable du jeu vidéo français. Les collégiens avaient rigoureusement préparé l’échange en amont avec les enseignants, notamment le parcours de la scénariste ainsi que le métier de narrative designer. La rencontre était d’autant plus attendue qu’il y avait parmi l’assemblée de jeunes joueuses et joueurs du jeu Assassin’s screed mirage, dont Sarah Beaulieu est la directrice de narration.

Chaleureusement accueillie par  l’équipe pédagogique de l’établissement, Sarah Beaulieu a pu arpenter les couloirs de son ancien collège aux murs repeints de couleurs primaires, donnant une ambiance « beaucoup moins triste qu’à l’époque », selon les dires de l’artiste. De la salle de technologie au matériel flambant neuf, en passant par le CDI et la cantine scolaire, l’artiste s’est remémoré des souvenirs d’enfance et en a profité pour prendre des photos pour ses anciens camarades de classe. Le principal du collège lui a même remis sa « carte d’étudiante » réalisée lors de son entrée au collège il y a près de 25 ans. Un moment riche en émotion que l’artiste n’est pas près d’oublier.

Sarah Beaulieu a été accueillie dans la salle polyvalente du collège par un “bonjour” collectif des élèves déjà installés, questions en mains et prêts à échanger avec l’artiste. Très rapidement, les collégiens lui ont demandé de se présenter et de revenir sur son parcours, notamment scolaire.

L’artiste a donc remonté le fil de son histoire jusqu’en 1994, date de son entrée au collège, jusqu’en 98. Elle a d’ailleurs avoué aux élèves que revenir sur ce lieu de son enfance après tant d’années, lui « faisait vraiment bizarre » et l’émouvait particulièrement. Elle a raconté vouloir initialement être écrivaine. Son enfance et sa scolarité furent marqués par la lecture. Elle a raconté avoir passé beaucoup de temps dans le CDI de l’établissement (qui a depuis bien changé). En parallèle, elle jouait beaucoup aux jeux vidéo, ce qui contribua également à nourrir son monde intérieur et son imagination de jeune fille et artiste en devenir. Après le lycée, Sarah Beaulieu est partie à Paris faire des études de cinéma, mais s’est très vite rendue compte que la ville ne lui plaisait pas et rentra dans sa région d’enfance, la région lyonnaise. Suite à des questions concernant son parcours professionnel, l’artiste a expliqué qu’elle a alors commencé à travailler en tant que consultante sur des scénarios, notamment pour le cinéma. Elle a également écrit pour le théâtre avant de suivre ses rêves d’enfant et de s’orienter dans des études plus spécifiquement dans le secteur du jeu vidéo afin de devenir scénariste, et par la suite, narrative designer. L’autrice s’est prise en exemple pour rappeler aux collégiens qu’il est possible de se réorienter et qu’un parcours de vie n’est pas forcément linéaire. “Parfois nous nous trompons, nous essayons, recommençons, dévions, mais tout cela fait partie de l’apprentissage et nous permet de voir et comprendre ce qui nous plait et ce que nous avons envie de faire et devenir”.

Les  élèves étaient extrêmement investis et leurs questions se sont enchaînées, pertinentes et variées, que ce soit sur l’univers du jeu vidéo, l’écriture d’Assassin’s Creed Mirage, mais aussi la conception des décors du jeu, ou encore les sources d’inspiration de l’autrice.

« Comment avez-vous eu l’idée de faire ce métier ? » s’est demandé une élève. C’est sans aucune hésitation que l’artiste a répondu : « Je n’ai pas eu l’idée, mais j’ai toujours eu l’envie ». Elle a raconté qu’à l’époque, sa mère était professeure de français et l’a donc bercée dans l’amour des mots. Au collège, c’était sa matière préférée et elle a notamment mentionné une professeure qui l’a grandement marquée et qui corrigeait les histoires de la jeune écrivaine en herbe en dehors des heures de classe. Sarah Beaulieu a affirmé avoir toujours aimé la littérature, les histoires, les écrire, mais aussi les transmettre. Couplés à son intérêt pour les jeux vidéo et avec du recul, les métiers de scénariste et de narrative designer se sont présentés comme une évidence.

Les élèves avaient également beaucoup de questions sur Ubisoft – entreprise pour laquelle travaille Sarah Beaulieu, notamment sur le jeu Assassin’s Creed Mirage – sur l’organisation de l’entreprise, sa rémunération, sa place dans la hiérarchie des postes ou encore sur les projets de jeux vidéo futurs (qu’elle n’a malheureusement pas pu partager en raison du secret professionnel). C’est avec beaucoup de pédagogie que l’artiste est revenue sur les différents aspects de son métier en tant que narrative designer, ainsi que sur son statut de “directrice de la narration”. Elle a expliqué qu’aucune journée de travail ne se ressemblait. Il y a ce qu’elle a appelé « les journées d’écriture » qui se passent généralement derrière un ordinateur, des journées avec plus de contacts et de réunions avec des collègues, rythmées par des discussions et des « brainstormings », ou encore les journées d’enregistrement en studio. Il s’agit des enregistrements pour le jeu vidéo avec les comédiens (dialogues, voix off, mouvements en « caption motion »). 

En résumé, il n’existe pas vraiment de journée type. Elle a aussi confié aux élèves que son travail lui permettait de voyager afin de rencontrer des personnes pour discuter de projets, donner des interviews, …, ce qui est une partie très plaisante de son quotidien en tant qu’artiste :  Sydney, Montréal ou encore Los Angeles, Sarah Beaulieu conte les récits de ses derniers voyages sous les exclamations des élèves, impressionnés et curieux d’en savoir plus sur les expéditions de notre artiste.

C’est avec sincérité que l’artiste a dit aux élèves avoir mis près de huit ans pour vivre pleinement de sa passion. Comme beaucoup de métiers, et notamment dans la sphère artistique, en vivre demande du temps, de l’expertise et de la persévérance. Sarah Beaulieu a travaillé dur pour construire sa carrière actuelle, et a raconté avoir enchaîné plein de petits boulots qui ne la stimulaient pas spécialement intellectuellement. Mais elle a rassuré les collégiens en leur expliquant qu’aujourd’hui, grâce à son statut d’employée dans une maison de jeux vidéos, ainsi que quelques contrats individuels sur des projets divers, elle menait une vie tout à fait confortable, loin des péripéties de son début de carrière.

Un élève lui a également demandé si ses études de cinéma à Paris avaient eu un impact sur son métier et sa manière de procéder dans l’écriture des scénarios. Dans le jeu vidéo comme dans le film, a commenté l’artiste, on doit structurer une histoire, créer des personnages, une intrigue. Les études de scénario l’ont donc énormément aidée sur ce point-là. D’ailleurs, beaucoup de personnes dans le secteur du jeu vidéo viennent du cinéma. En revanche, il existe des différences par rapport à un scénario de film, a expliqué la scénariste et narrative designer. L’histoire d’un jeu vidéo doit pouvoir se tenir par rapport à une logique de jeu et des réactions potentielles des joueurs. C’est un tout autre exercice et c’est la définition même du travail de narrative designer.

Enfin et pour clôturer cette rencontre en beauté, Sarah Beaulieu a projeté au tableau certaines images et vidéos du jeu Assassin’s Creed Mirage, afin d’illustrer ses propos. Elle a notamment partagé des « concepts art » – images-clés censées rendre compte de l’atmosphère visuelle du jeu –  ou encore un certain nombre de croquis et dessins de personnages en construction. L’artiste a également projeté des simulations de mouvements lors de combats ou encore un extrait d’un reportage réalisé sur son jeu vidéo, retraçant le processus de création (construction des décors, histoire de Bagdad au 9ème siècle, choix des personnages, …).

Les élèves étaient fascinés et ont grandement remercié Sarah Beaulieu qui conclut cet échange sous les applaudissements de la salle. Une rencontre réussie, placée sous le signe du partage et de la transmission dans un univers fascinant pour les jeunes.

Presse 

Le Progrès – 25 mars 2024