60 élèves/ 3ème/ encadrés par une professeure documentaliste et une professeure de musique
C’est en famille, accompagnés de leur sœur, également ancienne élève de l’établissement, que les frères et anciens membres du célèbre groupe de musique Zebda, Mustapha et Hakim Amokrane, sont retournés dans leur ancien collège. Et c’est sous le soleil toulousain que le duo iconique des années 90, a fait la visite de l’établissement dont il ne reste finalement plus rien du passé. Rasé et refait à neuf en 2010, seules la cour de récréation et la cantine ont survécu au temps.
Mustapha et Hakim Amokrane furent accueillis par des regards curieux et interrogateurs des élèves de 3ème disposés en cercle dans la grande salle de musique.
Les deux frères entamèrent la rencontre en se présentant. Ils ont raconté avoir passé leur 4ème et la 3ème dans ce collège, qui depuis, a été rasé et refait à neuf. Les deux frères ont raconté avoir grandi dans le quartier et y résider toujours. Ils ont également partagé avec les élèves les émotions et les questionnements qu’ils avaient traversés quand ils avaient leurs âges. Au collège, ils étaient très loin de s’imaginer la vie qu’ils allaient mener par la suite. Tous deux plutôt mauvais élèves ont intégré un lycée professionnel, Mustapha et Hakim Amokrane n’avaient jamais osé rêver une seule seconde de vivre de la musique et de devenir artistes.
Concernant leur rapport à la musique, les deux frères racontèrent qu’en tant que jeunes issus d’un quartier populaire, la culture de la danse (hip-hop, break, …) ainsi que la musique ont toujours fait partie de leur environnement.
C’est en seconde qu’ils ont commencé à faire de la musique dans leur quartier avec des amis. Les artistes ont confié aux élèves qu’ils s’étaient entrainés beaucoup avec ce groupe jusqu’à leur premier concert dans un bar toulousain. Ils en ont profité pour raconter l’anecdote du premier billet de 50 euros qu’ils reçurent suite à cette première représentation. Ce moment fut une réelle révélation pour eux : « Gagner de l’argent en faisant ce que l’on aime, c’était dingue ! ». C’est à ce moment que leur passion pour la musique se décupla et ils décidèrent donc de s’y investir pleinement, laissant place 10 ans plus tard à une belle carrière. Devenus membres d’un groupe emblématique, Zebda, les deux frères sont revenus sur leurs concerts dans des salles mythiques comme le Zénith, ou encore leurs tournées mondiales. Et malgré cette carrière impressionnante les artistes ont tenu à insister sur un point : « avant d’être célèbres, nous étions musiciens ».
Toujours dans une volonté d’échange réciproque avec les élèves et à la demande des collégiens, ils sont revenus sur leurs années de collège et sur la chance qu’ils eurent d’avoir baigné dans cette diversité culturelle et sociale. Les deux frères ont aussi insisté sur la chance des élèves d’étudier dans un cadre privilégié, un collège très lumineux, refait dans la dernière décennie et surtout, riche d’une population issue de différentes zones géographiques, et aux identités sociales et culturelles variées, entourés de professionnels bienveillants et encourageants, ouverts. C’était aussi l’occasion pour les artistes de revenir avec émotion sur leur enfance et ces moments de bonheur, que ce soit dans leur quartier ou entre les murs de cet établissement dans les années 80 : « nous ne changerions notre enfance pour rien au monde ».
Un des élèves se demanda alors quelle était leur chanson préférée dans tout leur répertoire musical. Hakim a répondu qu’il avait une préférence pour « Tomber des nues » avec le groupe Zebda, mais les deux frères avouèrent que ce n’était pas simple de choisir parmi les centaines de chansons qu’ils avaient sorties (plus d’une dizaine d’albums). Mustapha profita de cette question pour évoquer la difficulté de créer, évoquant le sentiment parfois ambivalent entre le bonheur de créer, d’imaginer des paroles, une mélodie, de partager et de transmettre des émotions, et les difficultés que tout cela peut engendrer : syndrome de la page blanche, manque d’inspiration, syndrome de l’imposteur, etc. Et lorsque l’on arrive à sortir un morceau malgré ces difficultés, on l’aime forcément, a confié le plus grand des frères.
Puis est arrivée la question de l’entourage et de son rôle dans la carrière des deux frères. Les deux artistes ont confié aux élèves qu’ils avaient eu beaucoup de chance d’avoir des parents très ouverts. L’un d’eux raconta d’ailleurs qu’à la vingtaine, lorsqu’ils avaient tout lâché pour partir en tournée avec leur groupe afin de toucher l’intermittence, leur père leur avait dit la chose suivante : « ok, je vous donne un an ». Finalement, ce pari fou a porté ses fruits et la carrière des deux frères a décollé. Mustapha et Hakim Amokrane ont alors confié que ce fut la plus belle preuve d’amour que pouvait leur faire leur père. Mais pourquoi vous appelez-vous Zebda ? » les ont interrogé plusieurs élèves. Les deux frères firent alors un petit point d’histoire. Dans les années 80, des marches pour lutter contre le racisme et les violences systémiques avaient commencé à émerger.
«La presse s’était emparée du sujet et avait qualifié cette marche de « marche des beurs » pour catégoriser ces jeunes se battant pour l’égalité, la liberté, mais surtout pour leurs droits. Verlan du verlan d’Arabe – le terme « Beur » était un mot qui ne reconnaissait finalement pas l’intégrité de ce soulèvement, ôtant l’identité même de la marche s’intitulant : la marche pour l’égalité et contre le racisme. Et c’est en hommage à ce mouvement et leur année de jeunesse que les deux frères ont décidé de nommer leur groupe Zebda, qui signifie « beurre » en arabe.
C’est sur ces mots de bienveillance et cette leçon d’altérité que les deux frères ont conclu cet échange riche, sous les applaudissements et les remerciements des élèves, conquis par cette rencontre unique et intime.