
Une classe de troisième, accompagnée par une professeure de lettres.
Après une visite de l’établissement et la recherche de ses souvenirs de collégienne, Mathilda May s’est présentée aux élèves et a introduit la rencontre en se présentant et en évoquant son parcours, riche d’un grand nombre d’expériences, variées, et d’une carrière multiple.
L’artiste a raconté avoir débuté sa vie artistique dès l’âge de huit ans en tant que danseuse classique, et a évoqué ses souvenirs d’un quotidien dans lequel ses seules activités enfant étaient l’école et la danse. Au collège, elle était en classe à horaires aménagés “danse”, les journées étant ainsi articulées entre les cours au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris le matin, les cours au collège l’après-midi, et à nouveau des cours de danse le soir et les week-ends. Mauvaise élève, elle a évoqué ses redoublements et son échec au BEPC (l’équivalent du brevet des collèges), confiant avoir développé un sentiment de “ne pas être au niveau”, et avoir beaucoup souffert de cette situation, qui a laissé une empreinte durable sur son estime d’elle-même et nourri une grande inquiétude quant à son avenir. Elle a souligné qu’au-delà des attentes de l’école, des parents et de la société, les résultats scolaires sont aussi importants pour soi, car ils permettent de se développer personnellement, de se sentir capable et de construire une image positive de soi.


Après avoir obtenu un premier prix au Conservatoire, Mathilda May est partie aux États-Unis pour suivre un stage au sein de l’une des plus grandes compagnies au monde, le New York City Ballet. De retour en France, n’ayant pas trouvé de rôle à la hauteur de ses attentes, elle a vécu une période complexe en tant que danseuse, marquée par une certaine frustration.
A ce stade de sa carrière, a-t-elle évoqué avec les élèves, ce sont les rencontres qui lui ont permis de rebondir. Elle a raconté avoir passé un casting grâce à une agente de cinéma qui l’avait repérée dans son enfance, Myriam Bru, lui permettant de changer de trajectoire et de partir trois mois en tournage. Une période qui a marqué une rupture, car l’interruption de ses entraînements de danse lui ont fait perdre une partie de son niveau technique et la distance lui a fait prendre conscience que le rêve de devenir danseuse n’était pas le sien, mais celui de sa mère. Parallèlement, elle venait de découvrir un univers dans lequel elle se reconnaissait davantage, un monde où la parole avait toute sa place, contrairement à celui de la danse.
« Avec la danse, j’ai appris à me taire. »
Mathilda May s’est alors orientée vers une carrière de comédienne. Elle a tourné dans de nombreux films, remporté un César et joué au théâtre. Ce métier lui a permis de voyager à travers le monde, de faire de nombreuses rencontres, de découvrir d’autres cultures et façons de travailler et d’apprendre plusieurs langues comme l’italien, l’espagnol et l’anglais. Elle a alors rappelé aux élèves l’importance de la notion de dépassement de soi, apprise dans son cas grâce à la danse.
Trente ans plus tard, a débuté sa troisième vie artistique. En quête de sens, s’interrogeant sur sa singularité et sa place dans le monde, elle a souhaité créer une forme d’art qui lui ressemble : éclectique, décloisonnée, mêlant chorégraphie et musique, le tout sans paroles.
C’est ainsi qu’est née son envie de concevoir ses propres spectacles, qu’elle écrit et met en scène. Saluée par la profession comme par le public, cette démarche artistique a donné un sens profond à son parcours, rassemblant l’ensemble de ses expériences passées.

Elle a affirmé que son parcours artistique s’est construit au fil des rencontres, souvent inattendues, qui ont profondément influencé sa trajectoire : « il y a beaucoup de choses qui me sont arrivées, qui n’étaient absolument pas prévisibles, grâce aux rencontres ».
Elle a précisé que cette « chance » relevait surtout d’une attitude : « une aptitude aux rencontres, une ouverture vers les rencontres, une disposition, une disponibilité ».

Tout au long de la rencontre, les nombreuses questions des élèves ont nourri un échange sincère et intime avec une artiste à la fois généreuse et humble. Elle s’est livrée avec authenticité, évoquant notamment ses regrets, les différentes formes de trac qu’elle a connues et la grande timidité de son adolescence.
Interrogée sur l’influence de son parcours d’actrice sur son métier de metteuse en scène, elle a évoqué l’importance de pouvoir davantage s’exprimer. Dans sa relation aux comédiens notamment, elle cherche à leur offrir de l’écoute, et un intérêt poussé à leur égard pour les amener à se dépasser.
A un élève curieux de ce qui nourrit son inspiration, elle a expliqué que, contrairement à la danse, « l’inspiration n’est pas une volonté […]; l’inspiration, c’est beaucoup d’observation […]; et plus on observe, plus on emmagasine des idées ».

Plutôt de nature timide, elle est passionnée par les comportements humains, elle observe beaucoup les gens, qui constituent sa principale source d’inspiration. Elle a ainsi observé que les postures et les gestes pouvaient en dire long, ce qui explique son choix de spectacles sans paroles. Elle a également cité plusieurs artistes parmi lesquels Prince, Charlie Chaplin ou encore les Monty Python.

Questionnée par les jeunes sur son rapport à la critique, elle a reconnu que c’est toujours une épreuve difficile, mais que la reconnaissance de son travail, notamment à travers des prix et des Molières, lui a apporté beaucoup de réconfort. Elle a néanmoins insisté sur le rôle constructif des émotions négatives, comme la frustration, qui peuvent devenir des moteurs puissants, et notamment, dans son cas, une énergie créative.
Elle a confié combien il est difficile d’avoir confiance en soi, tout en encourageant les élèves à avoir confiance en la vie, car « elle est souvent plus créative que nous ». S’adressant à ceux qui rêveraient d’une carrière artistique, elle a déclaré : « je pense que ce qui fait le talent, c’est l’amour. L’amour pour ce que l’on fait ». Un amour qui se cultive et se pratique, en développant sa curiosité, en allant voir des spectacles, du théâtre, des films.

À la question de ce qui la motive dans l’art, Mathilda May a répondu : « la magie de voir que des personnes ensemble dans un même endroit vibrent, rient aux mêmes choses, s’émeuvent au même moment et partagent une émotion commune. Ce sont des instants de communion, où l”on se dit qu’on a beaucoup plus de choses en commun que de différences, en réalité ». Elle a conclu que ce qui la pousse à continuer à créer, c’est aussi la dureté du monde, car « l’art est une bulle et un refuge ».
Enfin, le principal de l’établissement a clos la rencontre en remerciant Mathilda May pour son intervention, en soulignant l’importance des valeurs qu’elle a évoquées, en particulier la persévérance, la capacité à transformer la frustration en énergie positive et le rôle fondamental de la culture.