Marion Festraets © Marie Rouge
Marion Festraëts
Scénariste
Lycée d'Estienne d'Orves, Nice (06)
28 avr.
« Lycéenne, j’avais déjà envie de raconter des histoires, mais j’ignorais encore sous quelle forme. Certains de mes professeurs m’ont donné confiance en ma capacité d’écrire, ils m’ont aussi donné des clefs pour me sentir libre de choisir mon chemin. C’est à ça que l'école doit servir : ouvrir en grand des portes sur le monde, libérer l'audace, inventer sa vie. »

150 élèves de Première et de BTS, 2  professeures de culture générale, 1 professeure d’Histoire des arts, 1 professeure de HLP et 1 professeure documentaliste

En entrant dans le hall du Lycée Honoré d’Estienne d’Orves de Nice, Marion Festraëts fut ravie d’y retrouver les fresques qu’elle avait dessinées avec son groupe d’arts plastiques quelques années auparavant, lorsqu’elle était élève. Aujourd’hui, c’est en tant que scénariste confirmée qu’elle revient dans son ancien lycée pour rencontrer la génération actuelle. 

Pour débuter cet échange, Marion Festraëts est revenue sur son parcours. Après son lycée, elle a suivi des études de journalisme, commençant une carrière dans ce domaine. Mais après quelques années, elle a eu le sentiment d’avoir fait le tour de son métier. Elle a souhaité s’ouvrir à d’autres horizons. Elle s’est alors lancée dans l’écriture de scénario, collaborant notamment avec son partenaire, Arnaud Malherbe, rencontré en école de journalisme. Touche-à-tout, elle a cumulé les projets de séries, de films et même de bandes dessinées. Qu’il s’agisse de journalisme ou de scénario, au cœur de ses envies, il y a toujours eu un besoin, celui de raconter une histoire.
Pour elle qui a changé de carrière en cours de route, rien n’est figé, on peut choisir une autre voie et faire de nouvelles découvertes tout au long de sa vie. Elle a souligné que l’on peut apprendre la scénarisation et les règles de dramaturgie sur le tas, le plus important étant de rester curieux.

« On a beaucoup appris sur le tas, et on continue à apprendre…c’est important de garder une curiosité »

Une élève lui a demandé comment elle arrivait à combiner sa vie privée et son travail. Collaborant régulièrement avec son compagnon, la scénariste a précisé qu’ils avaient débuté leur carrière conjointement et que leurs goûts pour l’écriture, le cinéma et la littérature avaient grandi ensemble. Leurs échanges nourrissent mutuellement leurs projets.
À ce sujet, Marion Festraëts a expliqué qu’elle travaillait toujours sur plusieurs projets en même temps, car une série ou un film peut mettre 3 ou 4 ans à aboutir. C’est également une façon de pallier à la page blanche et dynamiser son écriture et sa créativité. Elle a aussi évoqué son travail au quotidien, son organisation ainsi que l’existence de collectifs de scénaristes, soulignant qu’il n’y a pas un modèle unique de travail.

« Il y a des jours où on est moins inspirés, mais travailler sur plusieurs projets permet d’avancer »

Concernant les formations pour devenir scénariste, elle a évoqué quelques écoles dont la Fémis et le CEEA, tout en soulignant que les voies étaient aussi nombreuses que les auteurs eux-mêmes. Une élève l’a questionnée sur la stabilité du métier. Marion Festraëts a précisé que les scénaristes n’étaient pas intermittents : il n’y a pas de sécurité de l’emploi, ni d’aides ou de chômage. Le statut d’auteur est particulier, mais il y a beaucoup de travail dans ce secteur, a-t-elle assuré, soulignant le nombre de contenus produits et autres débouchés.
Marion Festraëts a expliqué aux lycéens la manière dont est rémunéré un scénariste de série. Le scénariste peut être à l’origine d’une idée qu’il présente à un producteur. Ce dernier finance le début de l’écriture du projet afin de le soumettre à une chaîne télé ou une plateforme, qui prendra part à son tour au financement de la production. Dans d’autres cas, un scénariste peut aussi être sollicité par un producteur pour écrire à partir d’une histoire déjà existante. À chaque étape de rendu, le scénariste reçoit une rémunération, mais le projet peut aussi s’arrêter. Une fois la série produite et diffusée, les auteurs touchent des droits de diffusion par la SACD.

Les élèves étaient très curieux du travail de Marion Festraëts, de sa réflexion et de son processus de création. Certains d’entre eux avaient vu des extraits de Chefs, Rictus et Moloch. Ils ont demandé à Marion Festraëts les genres qu’elle préférait écrire ou regarder, elle qui a touché à la comédie, au policier, au drame… Elle a répondu aimer tous les genres ! Elle a aussi été interrogée sur les messages qu’elle souhaitait transmettre à travers ses œuvres. Elle a cité l’exemple de Rictus, et la question du rire et ses limites, où le propos politique est présent mais sans grands discours.
Questionnée sur la place des femmes dans le métier, Marion Festraëts a confié qu’il lui arrivait qu’on lui demande d’apporter un « regard féminin », ce qu’on ne demande pas à ses confrères masculins. Mais le métier est aujourd’hui assez féminisé, avec 50 % de femmes.

Une élève a interrogé Marion Festraëts sur la menace que représente l’IA sur la création. Pour la scénariste, les auteurs réagissent différemment face à ce sujet. Certains s’en servent, d’autres sont réfractaires. Son souhait est, pour le moment, de ne pas s’en servir et de rester accrochée à l’humain. 

Questionnée sur les conseils qu’elle pourrait donner aux élèves qui aimeraient s’orienter vers l’écriture, Marion Festraëts a évoqué la curiosité qu’il faut déployer : « Ce qui est important, c’est de lire, de nourrir son imaginaire, d’être ouvert sur le monde ». Elle a relevé l’importance du point de vue personnel, du regard de l’auteur qui fait son ADN.

Devant les élèves, Marion Festraëts a souligné son envie d’écrire des romans, bien qu’elle apprécie la magie de l’image et le travail collectif que l’on retrouve dans l’audiovisuel. Elle a cependant souligné que le scénariste n’avait pas toujours son mot à dire sur la réalisation, ce qui peut parfois être déstabilisant quand on est à l’origine d’un projet qui nous tient à coeur.

Pour conclure la rencontre, la scénariste a parlé de son ambition de réalisation, de ses projets en cours et à venir, évoquant notamment son travail en binôme avec Joann Sfar, un autre ancien élève du Lycée d’Estienne d’Orves.

« J’ai trouvé la rencontre vraiment, vraiment intéressante! Surtout qu’elle a d’abord été journaliste, ça m’a ouvert les yeux sur le fait qu’on n’est pas obligé de passer toute notre vie à faire le même métier. ( … ) C’étaient entièrement nos questions, elle a répondu à tout. » – Alix, élève de première