Fabien Toulmé
Fabien Toulmé
Auteur de Bandes Dessinées
Lycée Voltaire, Orléans (45)
7 mars
« Participer à ce dispositif, c'est l'occasion de renouer avec un lieu et une période où je me posais beaucoup de questions sur mon avenir (notamment professionnel). Maintenant que j'ai répondu à un certain nombre de ces questions, je peux partager cette expérience avec mes "camarades de quelques décennies d'intervalle", les encourager à oser et, qui sait, en inspirer certain.e.s. »

Huit élèves de terminale (option ESOPE) et deux classes de seconde (option arts plastiques & SES), accompagnés par leur professeure documentaliste, Valérie Pasdeloup, et leur professeur de français du dispositif ESOPE.

Avec émotion, Fabien Toulmé s’est replongé dans ses années de lycée, confiant à son arrivée avoir ressenti « une espèce de stress comparable à ce que je ressentais quand j’arrivais au lycée, parce que c’était une période où aller en cours n’était pas forcément agréable ». Désormais adulte, il est venu à la rencontre de ceux qui occupent aujourd’hui la place qu’il a lui-même tenue autrefois, pour échanger sur son parcours et son métier.

Huit élèves de terminale de l’option ESOPE (Enjeux culturels Société Oralité Philosophie et Économie) avaient préparé cette rencontre. Ils avaient mené des recherches sur le parcours de Fabien Toulmé, lu ses œuvres et élaboré une série de questions réparties par thématiques. Inspirés par le format de l’émission La Grande Librairie, ils ont imaginé une rencontre où chacun poserait des questions à l’invité, en présence d’un public composé de deux classes de seconde (option arts plastiques et SES). Ces classes avaient elles aussi travaillé en amont sur le parcours de l’auteur et sur sa bande dessinée Les Reflets du monde – Et travailler et vivre.

Après une présentation de Fabien Toulmé par les terminales, l’auteur a répondu à leurs nombreuses questions. Il a d’abord évoqué son désir, très tôt exprimé, de faire de la bande dessinée. Enfant, il en lisait beaucoup, notamment Tintin, Astérix, Lucky Luke. Pourtant, au fil des années, ses résultats scolaires l’ont naturellement orienté vers une voie scientifique. Bien qu’il aimait le dessin, il ne se projetait pas dans un avenir professionnel dans ce domaine, ne se sentant pas suffisamment talentueux pour en faire son métier. Il s’est alors orienté vers une école d’ingénieur, à l’issue de laquelle il est devenu ingénieur en génie civil et urbanisme, un métier qu’il a exercé pendant une quinzaine d’années. Ce choix, cependant, ne lui convenait pas. Plus les années passaient, moins il aimait sa profession. Installé au Brésil, où il avait ouvert une filiale d’une entreprise française, il bénéficiait de conditions de vie idéales, mais cela ne suffisait pas. Fabien Toulmé est donc rentré en France et a proposé le projet de sa première bande dessinée à un éditeur, qui l’a accepté. Ce n’est pas toi que j’attendais a ainsi été publié en 2014, rencontrant un vif succès. Il a alors cessé d’exercer le métier d’ingénieur.

« J’avais l’impression de perdre ma vie, de dépenser mes jours de jeunesse et de vie à faire quelque chose qui ne me plaisait pas, et je me suis dit que j’allais essayer de faire ce que je voulais faire étant petit ».

L’échange a ensuite porté sur cette première œuvre et celles qui lui ont succédé, notamment Les Reflets du monde – Et travailler et vivre (2024), un roman graphique documentaire consacré à la thématique du travail. Fabien Toulmé a évoqué le développement de ce projet, né de l’envie de parcourir plusieurs pays afin d’y rencontrer des personnes prêtes à témoigner de leur quotidien professionnel et de leur rapport au travail. Cette enquête l’a mené à réaliser trois reportages, aux États-Unis, en Corée du Sud et aux Comores. S’en est suivie une discussion autour de la place du travail dans nos vies, au cours de laquelle Fabien Toulmé a partagé sa propre réflexion. Exerçant aujourd’hui un métier qui le passionne, il a expliqué qu’il ne changerait pas fondamentalement son quotidien s’il n’avait plus besoin de gagner sa vie, mais qu’il travaillerait probablement à un rythme plus lent.

Les élèves l’ont interrogé sur la préparation de ses voyages et de ses interviews, processus qui diffère d’un pays à l’autre. Pour son enquête aux États-Unis, Fabien Toulmé a pu compter sur l’aide de sa sœur, documentariste, qui s’est chargée de repérer en amont les personnes susceptibles de témoigner. En Corée du Sud, où il a perçu chez les témoins une plus grande réserve à évoquer leur vie personnelle, il a collaboré avec un fixer – un local chargé de préparer le terrain – qui a trouvé les témoins, l’a accompagné sur place et a assuré la traduction des interviews. La présence de cet intermédiaire lui a permis d’instaurer une relation de confiance et d’approfondir certains sujets. Aux Comores, c’est une ONG qui a pris en charge l’organisation.

« L’art et la culture, ce sont des fenêtres d’ouverture sur d’autres cultures, sur d’autres façons de penser, c’est un lien avec son émotion, avec soi. »

Fabien Toulmé a expliqué que le processus de création d’une bande dessinée s’étale sur environ une année. Dans un premier temps, il développe l’idée, puis vient la phase d’écriture, suivie par celle du dessin, qui est la plus longue. Cette dernière étape, plus manuelle qu’intellectuelle, lui laisse le temps de réfléchir à son projet suivant.

Interrogé sur ses inspirations, l’auteur a affirmé qu’elles lui viennent de ce qui l’entoure, de ce qu’il voit et de ce qu’il vit.

Dans sa manière d’écrire et de dessiner, il est influencé par les auteurs de son enfance comme Hergé, Morris, Uderzo. Lorsqu’il a commencé à dessiner de manière professionnelle, il a été très inspiré par Persepolis de Marjane Satrapi, qui lui a permis de comprendre qu’il est possible d’aborder des sujets de société actuels, tout en dessinant de façon imparfaite. Il a également découvert Joe Sacco, qui fait de la bande dessinée de reportage.
À une question sur sa façon de dessiner, Fabien Toulmé a répondu : « Pour moi, ce qui est important, plus que le dessin, c’est le sujet, le propos, ce sont les histoires. Mon dessin est donc purement utilitaire et illustratif », précisant que l’usage limité des couleurs est aussi lié au coût de production d’une bande dessinée. Enfin, il a abordé l’évolution de sa technique de dessin, qui s’est améliorée avec le temps. Alors qu’il travaillait sur papier à ses débuts, une méthode qui impliquait de longs temps de numérisation, il utilise aujourd’hui une tablette graphique.

Fabien Toulmé a donné quelques conseils aux élèves pour conclure cette rencontre. Lui qui a renoncé à une carrière déjà tracée d’ingénieur pour suivre sa passion et ses envies, il soutient qu’il faut savoir s’écouter et se faire confiance. Son deuxième et dernier conseil est d’oser montrer et partager son travail aux personnes bienveillantes de son entourage.

« Il ne faut rien s’interdire, parce que quand on est guidé par cette passion, par cette envie, on peut s’en approcher. (…) Ce n’est pas quelque chose d’inaccessible, c’est quelque chose qui est à la portée de ceux qui auraient plus que du talent, de l’envie. »

PRESSE

La République du Centre – 07/03/2025