Anaïs Bertrand
Anaïs Bertrand
Productrice
Collège Molière, Lyon 3e (69)
17 avr.
« J'ai toujours pensé que la transmission était un acte qui pouvait changer des vies. »

55 élèves de Troisième encadrés par 1 professeure documentaliste et 1 professeure de français

Lauréate du César du Meilleur premier film pour Chien de la casse, c’est au tour de la productrice Anaïs Bertrand de participer à notre opération Un César à l’école. Très bonne élève, elle ne supportait pourtant pas l’autorité de ses professeurs, ce qui l’a conduite à changer plusieurs fois d’établissements. Et c’est au collège Molière à Lyon qu’elle a choisi de retourner, seul collège où elle s’est sentie écoutée plus jeune.

Après une visite des lieux, dont une partie a été rénovée depuis l’époque où elle était élève, Anaïs Bertrand a retrouvé des élèves de troisième au CDI pour deux moments de rencontre. La productrice a commencé par un tour des prénoms et des futures envies professionnelles des élèves. Les réponses étaient variées, certains n’ayant pas encore d’idées précises, d’autres déjà décidés à être pâtissier, mécanicien ou joaillier et quelques élèves se projetant dans un métier artistique, comme réalisateur ou vidéaste. Anaïs Bertrand a souligné l’importance de la troisième dans le parcours scolaire, une année lors de laquelle nous avons encore la liberté de choisir notre futur, mais où tout va se décider. « N’oubliez jamais que vous avez encore le droit de tout imaginer et rêver. » 

Depuis ses 5 ans, marquée par des films comme Fantasia et Excalibur, le cinéma a toujours été une évidence pour elle. Adolescente, elle fréquentait les salles obscures, curieuse de tout type de films, du divertissement au cinéma d’auteur avec un fort penchant pour le genre et l’horreur. Massacre à la tronçonneuse est d’ailleurs son film favori, nous a-t-elle confié en expliquant le message politique et les choix esthétiques du film aux élèves. Ce film dépeint une jeunesse laissée à l’abandon pendant la guerre du Vietnam — un parallèle qu’elle établit avec les territoires délaissés évoqués dans Chien de la casse« À votre âge, j’allais au cinéma voir des films que je ne comprenais pas forcément mais qui me faisaient réfléchir ».
Arrivée à l’université, Anaïs Bertrand a suivi des études d’arts du spectacle. Rapidement, elle ne s’est pas sentie attirée par la caméra mais plutôt par l’écriture et la scénarisation. Elle a aussi compris que le seul endroit où elle pouvait être décisionnaire, c’était la production. Après des expériences littéraires en lecture de scénario et grâce aux offres de formation Pôle emploi (ex-France Travail), elle a travaillé dans un studio de 2D et 3D, en restant évasive sur ses connaissances techniques lors du recrutement. Cette expérience lui a donné une excellente vision de la production et post-production. 

Faute de moyens et de connaissances juridiques pour monter directement sa société, elle a d’abord fondé une association pour produire ses premiers courts métrages. Elle a évoqué avec les élèves les aspects financiers du métier, expliquant les différentes sources de financement : aides du CNC, financements régionaux, apports des distributeurs, chaînes de télévision et crédits. Elle a également rappelé l’importance de l’exception culturelle française et la nécessité de défendre ce système unique, en soutenant les partis politiques qui défendent la culture.

Pour donner un ordre d’idée, elle a précisé qu’en moyenne, un film français coûte environ 5 millions d’euros, financés à 60 % par des fonds publics et 40 % par des fonds privés. Chien de la casse, avec un budget d’1,2 million d’euros, a bénéficié de 80 % de financements publics, rendus possibles par les assouplissements de règles liés à la période Covid.

Interrogée sur la différence entre producteur indépendant et producteur au sein d’un grand groupe, Anaïs Bertrand a affirmé son choix de l’indépendance, qui lui permet de conserver une totale liberté artistique et de prendre des risques, sans avoir de comptes à rendre à des actionnaires. Pour elle, le métier de producteur, c’est avant tout accompagner un auteur, un scénariste et un réalisateur avec une même vision.

Elle a souligné que « le film s’écrit plusieurs fois : une première fois au scénario, une seconde au tournage, et une troisième au montage ». Passionnée par le travail de scénario, elle a évoqué les bases de l’écriture cinématographique et partagé son intérêt pour les films qui racontent des histoires fortes et accessibles. « Un film, plus il est compliqué, moins il raconte de choses », a-t-elle ajouté. Elle a évoqué L’absence, le premier court métrage qu’elle a produit, ainsi que Jumbo, son premier long métrage, deux projets auxquels elle est particulièrement attachée.

Interrogé par un élève sur le casting de Chien de la Casse, Anaïs Bertrand a raconté comment Anthony Bajon, acteur qu’elle connaissait déjà, et Raphaël Quenard ont été choisis pour les rôles principaux du film.
Elle est également revenue sur son expérience de la cérémonie des César où Chien de la casse a remporté le César du Meilleur premier film en 2024. La productrice a confié que « Le César, c’est un des plus beaux moments de ta vie de producteur et d’artiste »  

Tout au long de la rencontre, la productrice a encouragé les collégiens à cultiver leur curiosité : « Allez voir des films en salle, des expositions, lisez des livres. Soyez le plus curieux possible. Rencontrez un maximum d’adultes et posez-vous les bonnes questions maintenant»

Lors de la rencontre, la productrice s’est amusée à poser quelques questions aux élèves sur Chien de la casse afin de leur faire gagner un dessin de Jean-Baptiste Durand. Elle a également distribué des stickers et, pour la plus grande joie des élèves, a fait circuler sa statuette du César du Meilleur premier film. Un moment qui a ravi ces troisièmes !

Presse

Le Progrès – 20 avril 2025