50 élèves / 3ème / accompagnés par un professeur de physique-chimie, une professeure de mathématique et deux professeures documentalistes
C’est avec un engouement non dissimulé et sous les exclamations que les élèves ont accueilli l’actrice, autrice, réalisatrice, et… ancienne élève, Nadège Beausson-Diagne, dans son ancien collège, Albert Schweitzer à Créteil (94). Il y a bien des années que l’artiste n’avait pas poussé les portes du collège, qui a depuis bien changé. Les évolutions architecturales et les rénovations engagées transformant les lieux de son adolescence, n’ont en rien entamé l’émotion palpable de Nadège Beausson-Diagne. Guidée par les professeurs, l’actrice est revenue sur les traces de son passé, d’abord dans la cour de récréation de l’établissement, suivie de nombreux élèves curieux de sa venue.
Ce fut l’occasion pour Nadège d’échanger avec les élèves et de signer des autographes sur les carnets de correspondance, sous l’œil amusé des professeurs. Puis vint le moment de rencontrer les 3ème, afin de leur parler des différents métiers qu’elle exerce dans l’univers du cinéma et de l’audiovisuel, de son quotidien en tant qu’artiste et de ses divers engagements.
Nadège Beausson-Diagne, détendue et avenante, a vite créé un lien de proximité avec le jeune public, commençant par présenter son parcours en quelques mots. L’actrice, autrice et réalisatrice a raconté qu’elle avait fait toute sa scolarité dans la ville de Créteil, de l’école primaire au lycée, ayant également fréquenté le Conservatoire national supérieur d’art dramatique et de musique de la ville. C’est donc à Créteil qu’elle a commencé à se former aux métiers artistiques. L’artiste a d’ailleurs confié aux élèves que cette envie de devenir actrice date de l’âge de 9 ans. Fortement encouragée par sa mère, elle s’est lancée dans un parcours du combattant comme elle l’a qualifié. Elle est revenue avec les élèves sur la dure réalité à laquelle elle s’est confrontée en tant que femme noire dans le secteur du cinéma, ce qui l’a amenée d’ailleurs à écrire un livre.
Les élèves étaient également curieux de savoir comment se passait la vie au collège pour l’ancienne élève. « Ce que je vais vous dire, ce n’est pas forcément ce qu’il faut faire », a commenté la comédienne. En effet, elle a avoué que la période du collège était une période difficile de sa vie, et qu’elle souffrait d’un réel mal-être compte tenu d’une situation personnelle et familiale compliquée. Elle a expliqué avoir beaucoup séché les cours, car elle trouvait que le collège était un endroit qui éteignait les rêves qu’elle avait dans la tête. Elle a malgré tout réussi à aller au bout de sa scolarité en s’étant intéressée à certaines matières comme le français ou le grec ancien, dans lesquelles elle excellait.
Dans la continuité de l’échange autour de sa scolarité, un élève lui a demandé si le collège avait aidé l’artiste dans sa carrière. Nadège Beausson-Diagne a répondu que dans une certaine mesure, oui. En effet, c’est durant cette période a-t-elle précisé qu’elle a découvert la lecture des pièces de théâtre, évoquant alors avec une grande émotion une professeure, Jacinthe, qui a changé sa vie en plantant une petite graine dans son esprit. Cette ancienne professeure de lettres – également présente à la rencontre – a joué un rôle énorme, notamment pour sa carrière d’écrivaine et de comédienne, encourageant Nadège à suivre ses rêves et à croire en elle.
« Avez-vous subi des discriminations durant votre carrière ? » l’a questionnée une élève. Oui, tout le temps et ce, depuis le conservatoire ici à Créteil, a répondu l’artiste.
Nadège Beausson-Diagne en a profité pour revenir sur la dure réalité du cinéma pour les femmes noires, leur hypersexualisation, les rôles stéréotypés qui leur sont attribués mais aussi les traitements discriminants que Nadège a subis, ainsi que toutes ses collègues noires. « C’est une réalité qui existe encore et contre laquelle il faut se battre ».
“Pourquoi avoir choisi ce métier ?” L’actrice, autrice et réalisatrice a, à l’occasion de cette question d’une élève, évoqué son enfance, expliquant qu’elle avait un monde intérieur très riche qu’elle avait envie d’exprimer. Elle a aussi raconté avoir eu un goût très prononcé pour la littérature et le cinéma depuis toute petite. Les moments où elle séchait les cours, elle se réfugiait dans les films et les livres, seuls endroits où elle se retrouvait, se sentait elle-même. C’est tout cela qui a contribué à son envie d’écrire, de jouer, de réaliser.
Comme souvent dans les rencontres avec les artistes, les enfants l’ont interrogée sur sa rémunération, de manière assez naïve et en ces termes : « Est-ce que vous êtes riche ? ». « C’est très intéressant, car quand on parle des métiers d’artiste, on parle directement du fait d’être une star ou d’être riche » a-t-elle relevé avec beaucoup de bienveillance et de pédagogie. Dans un premier temps, elle a expliqué que non, elle n’est pas riche, rappelant qu’être artiste c’est aussi ne pas avoir de rémunération fixe. Quand elle travaille et a un projet fixe, oui, elle gagne bien sa vie. Mais Nadège Beausson-Diagne n’a pas hésité à leur expliquer qu’artiste est un métier, une condition financièrement instable qui ne garantit pas des rentrées d’argent régulières. Il existe, leur a-t-elle expliqué, le statut d’intermittent qui permet d’aider les artistes grâce à l’indemnisation par le chômage sur les périodes non travaillées, mais pour l’obtenir, il faut remplir un certain nombre d’heures (des cachets). Donc s’il n’y a pas de projets/tournages en cours, on ne peut pas remplir ces heures et donc on ne touche pas cette forme de chômage propre à l’intermittence. De plus, l’artiste est revenue sur le caractère particulièrement discriminant d’être une femme féministe noire qui lui ferme beaucoup de portes et de projets, ajoutant une difficulté financière considérable pour l’artiste.
Enfin, pour terminer et conclure l’échange, Nadège Beausson-Diagne a lu aux élèves un texte qu’elle avait écrit pour le journal Politis, parlant de la place des femmes noires dans le féminisme. Ce texte met en avant le phénomène de l’intersectionnalité, les discriminations qu’elle subit au carrefour de différents rapports de pouvoirs et de hiérarchisations politiques et sociales fondées sur le genre, la race et la classe sociale. Muets et attentifs, les élèves ont écouté, s’imprégnant de ce discours courageux, engagé et poignant qui a sûrement trouvé une résonance en chacun d’eux.
Une rencontre éclairante, engagée, qui a permis d’aborder avec sincérité le parcours non dénué d’embûches de la comédienne, dans lequel l’Art s’entremêle avec l’engagement politique et social.
Presse
Le Parisien – 21 mai 2024