65 élèves de terminal encadrés par 2 professeures de sciences économiques et sociales
Le journaliste d’investigation et parrain de la 12ème édition d’Un Artiste à l’école, Victor Castanet, était de retour dans son ancien établissement, le lycée La Rochefoucauld dans le 7ème arrondissement parisien. Ayant effectué une grande partie de sa scolarité au sein du groupe scolaire duquel il est sorti bachelier en 2005, c’est avec beaucoup d’émotion que le journaliste a repassé les portes de l’établissement pour venir échanger avec une soixantaine d’élèves de Terminale. L’occasion pour Victor Castanet de revenir sur son parcours, d’évoquer son métier de journaliste d’investigation indépendant, ainsi que son livre Les Fossoyeurs, une enquête dénonçant les pratiques du groupe ORPEA dans le secteur des Ephad (2022) au succès phénoménal, et de répondre aux nombreuses questions des élèves passionnés par les coulisses de son travail d’investigation.
Après avoir revisité les lieux et s’être remémoré de nombreux souvenirs, retrouvant même un ancien professeur de musique, Victor Castanet a amorcé la rencontre avec les lycéens en évoquant son passé d’élève peu assidu et peu intéressé par les cours, ayant du mal à faire le lien entre les enseignements prodigués et son avenir. Une période qui l’a marqué, mêlant une difficile relation avec l’institution scolaire et une période riche en rencontres dont il garde encore aujourd’hui ses plus proches amis. Sans idée précise du métier qu’il souhaitait exercer, Victor Castanet s’est dirigé vers des études de droit, qu’il a complétées par des études de lettres modernes lorsqu’il a affiné son projet de journalisme, lui permettant par la suite, a t’il souligné, d’avoir une base solide pour raconter des histoires.
L’auteur a ensuite retracé ses premières expériences professionnelles (au sein de rédactions et sur le terrain) et le parcours qui l’a mené à devenir journaliste d’investigation indépendant puis à l’écriture de son livre. Partant des enseignements de son premier stage chez Canal+ et ses premières rédactions, il a transmis aux jeunes les clés sur les grands principes du journalisme, leur expliquant les grandes notions et le fonctionnement d’une rédaction : ligne éditoriale, “desk”, et sources d’information, et évoquant les qualités nécessaires au métier de journaliste dont la première reste la curiosité et la capacité à découvrir des univers auparavant étrangers, à “sauter” d’un sujet à l’autre notamment en début de carrière.
Le journaliste a ensuite expliqué aux jeunes les caractéristiques de son métier de “journaliste d’investigation indépendant” (par opposition aux journalistes salariés d’une rédaction). En effet, motivé par le désir d’être sur le terrain et d’approfondir ses sujets, et poussé par quelques rencontres marquantes, Victor Castanet a rapidement pris son indépendance, tournant ses premiers sujets vers l’étranger et notamment le monde arabe ( Algérie, Maroc, Iran, Palestine…), créant des souvenirs très forts, mais dans une économie très fragile. Une période peu faste pour le journaliste mais passionnante et qui selon ses mots a donné du sens à son métier (il a par exemple évoqué sa rencontre avec certains opposants politiques en Algérie comme un moment marquant, le décidant à continuer à donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas).
Victor Castanet n’a pas hésité à illustrer la précarité du métier de journaliste indépendant en racontant un reportage sur les effets du changement climatique en Mongolie dont le bilan financier était négatif, alors même qu’il avait vendu son sujet à Paris Match… Après de nombreux reportages à l’étranger, sa vie personnelle le contraignant à moins voyager, le journaliste s’est tourné vers des sujets plus français, le menant à découvrir, selon ses mots, des sujets passionnants, puis à mener son enquête sur la maltraitance et les malversations effectuées par le groupe Orpea dans les maisons de retraite. Une enquête de trois années qui le mènera à décider d’en faire un livre de 500 pages puis à la publication et au succès en 2022 des Fossoyeurs, véritable phénomène littéraire avec 240 000 exemplaires vendus et pour lequel l’auteur a été récompensé du Prix Albert Londres.
Captivés, les élèves ont posé de nombreuses questions auxquelles Victor Castanet a répondu en détails : aspects pratiques pour mener son enquête, passage de la rédaction d’un article à celle d’un livre, rencontre avec la maison d’édition Fayard et le rôle fondamental que celle-ci a joué à ses côtés, rémunération, difficultés rencontrées, le travail conséquent et méticuleux pour trouver et faire témoigner des sources…. L’auteur s’est montré généreux et très didactique, évoquant son parcours et sa vision, son expérience, avec pédagogie.
Victor Castanet a également évoqué avec les jeunes le Prix Albert Londres dont il est lauréat pour Les fossoyeurs. puis son expérience de jury pour le Prix, lui permettant de rebondir sur la différence entre l’écriture d’un sujet pour un papier dans la presse et pour un livre, puis de prodiguer des conseils sur la manière de raconter une histoire, et lier journalisme et écriture d’un livre.
Questionné par les élèves sur le succès phénoménal de son livre, et sur ses projets futurs, le journaliste a évoqué le caractère exceptionnel de ce succès, que personne n’attendait, et l’importance du travail d’investigation, du temps long (et le plus souvent mal rémunéré, contraignant à mener plusieurs sujets de front), et la discrétion et la prudence inhérentes à son métier.
Enfin, et pour clôturer cette rencontre, Victor Castanet a évoqué l’importance pour lui d’avoir de l’impact en tant que journaliste, le fondement même de son travail et la raison pour laquelle il investit autant de temps dans ses enquêtes, portant une attention toute particulière aux publics vulnérables (sa prochaine enquête porte sur les crèches).
Victor Castanet, qui souligne être beaucoup intervenu auprès du public pour la promotion de son livre, et des jeunes pour évoquer son métier, a visiblement pris un plaisir particulier à transmettre aux élèves de son ancien lycée sa passion et les bases de son métier de manière concrète. Un point qui lui paraît essentiel et qui lui a, a t’il dit, cruellement manqué durant sa scolarité ainsi que dans la construction de sa vie professionnelle : « Je suis ici pour vous rendre concret mon métier. Quand j’étais élève, j’aurais bien aimé que des professionnels viennent nous parler de leur métier ».
Un échange riche et passionnant aux côtés d’un journaliste aussi remarquable que généreux.