Nicolas Legendre ©Romain Joly
Nicolas Legendre
Journaliste, auteur, photographe
Lycée Chateaubriand, Rennes (35)
23 janv.
« Revenir à l'école est un honneur et une fierté pour moi. Souvent, j'ai plus le trac en m'adressant à des élèves qu'en interviewant des ministres. Peut-être parce que les élèves sont moins prévisibles que les ministres... et parce qu'ils sont l'avenir du monde. »

46 élèves de CPES (Cycle Pluridisciplinaire d’Études Supérieures : sciences environnement et société) et 122 élèves du lycée (seconde, première et terminale) encadrés par deux professeures documentalistes.

Jeudi 23 janvier, deux rencontres ont eu lieu entre le journaliste Nicolas Legendre et les élèves du lycée Chateaubriand de Rennes. La première, organisée en matinée, a rassemblé une cinquantaine d’élèves du CPES (Cycle Pluridisciplinaire d’Études Supérieures : sciences environnement et société). L’après-midi, plus d’une centaine d’élèves de différentes classes du lycée ont assisté à la seconde rencontre.

Lors de ces échanges, Nicolas Legendre s’est tout d’abord présenté et a partagé son parcours, de son adolescence jusqu’au journalisme. Fils de producteurs laitiers situés à 20 kilomètres au sud de Rennes, il a rejoint la métropole en 2003 pour intégrer les classes préparatoires littéraires du lycée Chateaubriand. S’adressant aux élèves du CPES, qui se trouvent aujourd’hui dans la même position que lui à l’époque, il a partagé ses souvenirs de cette période, faite d’amitiés durables mais aussi de stress. Il a souligné combien cette formation lui a apporté rigueur, esprit de synthèse et capacité d’argumentation, des compétences qui lui ont été précieuses par la suite. Après deux années à Chateaubriand, il a poursuivi ses études à l’Université Rennes 2 en histoire avant d’intégrer une école de journalisme à Tours. Passionné par le métier depuis le lycée, il a commencé en tant que bénévole pour un mensuel culturel et une radio locale, ce qui lui a permis d’obtenir son premier poste au Mensuel du Golfe du Morbihan, où il a gravi les échelons jusqu’à devenir rédacteur en chef.

Parallèlement à son activité journalistique, Nicolas Legendre s’est passionné pour la Russie et l’ex-URSS, une passion qu’il a approfondie lors de voyages dans cette région du monde. Ses nombreuses rencontres et échanges ont éveillé un intérêt pour les populations locales et leurs souvenirs de l’Union soviétique, ce qui l’a conduit à demander un congé sabbatique afin de réaliser un périple de quatre mois à travers ces territoires, de la Géorgie à la Sibérie. Cette expérience a donné naissance, quatre ans plus tard, à son livre Les Routes de la vodka (2019).
De retour en France, Nicolas Legendre est devenu pigiste et a collaboré avec de nombreux médias. Il a réalisé des reportages en France et à l’étranger, travaillé pour la télévision en tant qu’auteur de documentaires et pratiqué la photographie. En 2016, il est devenu correspondant en Bretagne pour Le Monde, où il a couvert l’actualité régionale et notamment les thématiques agricoles. Pendant cinq ans, il a recueilli de nombreux témoignages sur le système agro-industriel breton, aboutissant à une série d’enquêtes pour Le Monde et, en 2023, à la publication de Silence dans les champs. Après deux ans de promotion de cet ouvrage, il aspire à reprendre ses investigations, avec deux projets en cours : l’un sur la forêt de Brocéliande, l’autre sur le complexe agro-industriel à l’échelle nationale.

« Plutôt que du journalisme militant, je revendique du journalisme engagé. »

Lors de la rencontre, les étudiants se sont montrés très engagés et curieux. Ayant lu et étudié sa dernière enquête, ils lui ont posé de nombreuses questions sur son élaboration, son contenu et le système agro-industriel.

Une élève a notamment partagé son éco-anxiété et l’a interrogé sur sa capacité à traiter de tels sujets sans se laisser submerger. Nicolas Legendre a confié avoir lui aussi ressenti une forte anxiété, particulièrement durant l’été 2022 marqué par des températures très élevées. Pour y faire face, il a commencé par s’informer et comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une pathologie, mais d’une prise de conscience. Il a ensuite trouvé une réponse dans l’action et l’engagement, notamment en cultivant son potager.
Les élèves ont également questionné le journaliste sur les conséquences de son enquête. Contrairement à ses consœurs Morgan Large et Inès Léraud, il n’a pas été victime de menaces ou d’intimidations directes. Les critiques ont principalement été exprimées par voie de presse, sous forme de tribunes ou de prises de parole dans des instances démocratiques. Il a précisé avoir pris des précautions en amont afin d’éviter toute accusation de diffamation en soumettant son travail à une relecture par un avocat.

Au cours des échanges, les élèves ont posé de nombreuses questions sur le métier de journaliste et le parcours de Nicolas Legendre.

D’abord attiré par le journalisme musical, il s’est rapidement orienté vers le journalisme politique, un domaine selon lui plus accessible, mais aussi plus intéressant pour approfondir les sujets. Il a cependant précisé que le rythme de la presse quotidienne ne permet pas toujours d’explorer un sujet en profondeur. Il a ainsi décrit une journée type : « Tu te lèves le matin, tu ne sais pas ce que tu vas faire : toutes les journées sont différentes. Tu arrives à 9h et tu pars sur un fait divers, une fusillade à Maurepas, une conférence de presse au Stade rennais ou, pour d’autres collègues, sur les incendies à Los Angeles, ou que sais-je. Et puis, tu as un papier à rendre le soir. C’est vraiment de l’urgence, du stress, une adrénaline forte. Certains adorent ça, et ça les fait tenir. C’est ce qui leur plaît dans ce métier, d’être sans arrêt sous le feu ».

Pour sa part, il préfère prendre le temps d’enquêter, d’analyser et de contextualiser ses sujets en profondeur. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il s’est tourné vers l’écriture des livres, un format qui lui permet de s’affranchir des contraintes imposées par les rédactions.

« C’était un échange d’égal à égal, et moi j’apprécie beaucoup ce type d’échange, parce que, quand on parle en tant que jeune avec des personnes plus âgées, parfois il y a un peu un ascendant. Là, ce n’était pas le cas. » – Mila, étudiante CPES 

Nicolas Legendre a également évoqué les aspects positifs et les difficultés du métier. Il souligne : « On a un quotidien assez varié, qui nous fait voir plein de choses et rencontrer des personnes très différentes. C’est vraiment le côté positif du métier ». Le journalisme lui a aussi offert l’opportunité de voyager. Toutefois, il a mis en avant la précarité de la profession : ses voyages ont souvent été autofinancés et ne sont remboursés que si le livre qui en résulte est publié, sans garantie de revenu stable. Malgré ces difficultés, ces expériences lui ont permis d’élargir son réseau et d’accéder progressivement à des opportunités plus solides. Il a également rappelé que le journalisme traverse une crise depuis 25 ans, notamment avec l’essor d’internet et de la presse gratuite. De plus, le secteur est très centralisé à Paris, avec peu de places. Son conseil aux élèves souhaitant se lancer dans ce métier est clair : « C’est compliqué : il faut le vouloir, en avoir vraiment envie. Il ne faut pas que ce soit un choix par défaut (…) et il faut provoquer les opportunités. C’est un métier où les choses ne sont pas forcément très formelles (…), donc il ne faut pas hésiter à aller vers les gens, écrire aux gens, faire des stages, être dans le concret très vite, parce que c’est un métier qui s’apprend vraiment sur le terrain ».

« Le domaine du journalisme, je ne le connaissais pas du tout. (…) C’est très intéressant de voir comment la profession fonctionne et de comprendre le mécanisme que c’est, puisque, quand on lit un journal, on ne pense pas forcément à tout ce qui se trame derrière. Je trouve ça très intéressant et compliqué comme système. » – Corentine, étudiante CPES

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