Laurence Katrian_© SACD
Laurence Katrian
Réalisatrice
Lycée Jeanne d'Arc, Rouen (76)
10 nov. 2023
« Ce métier c’est tellement génial que c’est même plus du travail, c’est une passion. »

50 élèves accompagnés par 1 professeur  

La réalisatrice Laurence Katrian a été invitée à revenir à Rouen dans son ancien lycée, le lycée Jeanne d’Arc. Elle y a rencontré avec plaisir et nostalgie la nouvelle génération d’élèves, des 2nde et des 1ère de la section théâtre, musique et danse. À l’époque, se souvient-elle, elles étaient une « bande » de 5 ou 6 copines à vouloir travailler dans ces milieux artistiques, dont la scénariste Brigitte Buc et la comédienne Valérie Lemercier.

Dès son arrivée, Laurence Katrian s’est installée au fond de la classe. « Un vieux réflexe », a-t-elle alors expliqué. En effet, la réalisatrice se décrit comme une élève dissipée, assez mauvaise en mathématiques et peu intéressée par ce qu’il se passait en classe. C’est ainsi qu’une professeure du lycée lui avait confié à l’époque la mise en scène d’une pièce de théâtre, comme pour l’occuper, la canaliser. L’adolescente y pris goût et a décidé de persévérer dans cette voie. 

Pourtant Laurence Katrian ne vient pas d’un milieu où la culture avait particulièrement sa place, selon ses propres dires. En guise d’exemple, elle a expliqué qu’avant de travailler à Paris et de s’intéresser au milieu audiovisuel elle n’avait vu peut-être que 10 films en tout et pour tout.

À sa sortie du lycée, Laurence Katrian n’a pas fait d’études et a commencé directement à travailler en tant qu’assistante à la mise en scène pour une petite troupe de théâtre. Au fur et à mesure des années elle a appris et évolué, jusqu’à mettre en scène seule. Suite à plusieurs retours sur ses mises en scène « particulièrement cinématographiques », Laurence Katrian a voulu changer de milieu et se réorienter vers la télévision. Elle a expliqué aux élèves que cela n’a pas été simple car les milieux culturels peuvent sembler assez « cloisonnés », mais elle a insisté sur le fait qu’il ne faut jamais se décourager lorsque l’on sent une envie pressante de faire un métier, de changer de milieu ou d’orientation professionnelle. Pour illustrer ses propos, Laurence Katrian a partagé avec les élèves ses débuts : après avoir « harcelé » (c’est-à-dire appelé quotidiennement) une directrice de production pour savoir si elle avait du travail pour elle, cette dernière a trouvé un prétexte pour la refuser ; le fait qu’elle ne sache pas taper à la machine. Sûre de ses envies, Laurence Katrian a raconté comme elle est alors partie s’acheter une machine et a appris à taper, avant de revenir une dernière fois vers la directrice de production, qui n’avait donc plus d’excuses pour ne pas l’engager ! 

À travers cette histoire, Laurence Katrian a voulu démontrer aux élèves qu’il fallait absolument qu’ils travaillent et se battent sans relâche pour pouvoir emprunter des chemins qui ne leur étaient pas forcément prédestinés. Preuve en est : Laurence Katrian est une réalisatrice accomplie, comptant désormais plus de 30 ans de métier, dont 20 dans la réalisation, et 35 films environ à son actif.

Les élèves, de leur côté, ont clairement accroché avec cette ancienne élève à laquelle beaucoup ont pu s’identifier. Rapidement à l’aise, les jeunes artistes ont vite posé les questions qui les taraudaient. La problématique de l’assurance, des doutes, de la remise en question, par exemple, est très vite arrivée sur la table. La réalisatrice a tenu a rassurer les élèves tout en restant honnête : les remises en question sont permanentes mais c’est inhérent au métier et au statut d’artiste. S’en est suivie une discussion sur le statut d’intermittent et l’économie de la culture de manière générale. Laurence Katrian en a profité pour détailler un peu la façon dont un film est financé mais aussi ce que le cinéma et l’audiovisuel rapportent, chaque année au pays. Enfin, des questions plus pratiques ont été aussi au cœur de l’échange : comment la réalisatrice choisit les acteurs et actrices avec lesquels elle travaille, la particularité du tournage avec des mineurs, l’organisation d’une journée de tournage, la façon dont est déterminé un planning de tournage, etc. Laurence Katrian a répondu aux nombreuses questions des élèves, avec générosité et bienveillance. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à partager avec eux de nombreuses anecdotes de tournage, qui ont l’air d’avoir fait leur effet, déclenchant chez les jeunes de vives réactions, allant du rire à la surprise, en passant par l’inquiétude sur la façon de gérer certains imprévus de la vie d’un tournage.

En fin de rencontre, les élèves avaient préparé pour l’ancienne de Jeanne d’Arc une petite surprise ; ils ont interprété La Bohème, accompagnés au piano par l’une de leurs camarades. Leur manière à eux de remercier la réalisatrice d’avoir pris le temps de venir partager avec eux un peu de son histoire, dans ces lieux qui les lient ; qui plus est à une semaine de son prochain tournage….