
85 élèves dont une classe de Seconde, un groupe de Terminale ainsi que les élèves du bac technologique Théâtre/Musique/danse, encadrés par une professeure documentaliste, une professeure de lettres et une professeure de SES
De retour au Lycée Saint-Sernin à Toulouse, Hélène Lam Trong était ravie de redécouvrir l’établissement dans lequel elle a passé une partie de son adolescence, depuis en partie rénové. Pendant deux heures, elle y a rencontré 85 élèves de Seconde et de Terminale, ainsi que de l’option Théâtre/Musique/Danse.
Pour ouvrir la discussion avec les lycéens, la journaliste et réalisatrice est revenue sur son parcours. Après un baccalauréat scientifique, dont elle ne garde pas un très bon souvenir, elle suit une année de droit sans réelle motivation. Mais elle finit par trouver sa voie : elle intègre Sciences Po en filière affaires publiques et découvre le journalisme lors d’un stage à Toulouse Mag, une passion qui n’enchante guère ses parents. Elle décide tout de même de poursuivre son cursus avec une école de journalisme. Par la suite, elle devient reporter pour Radio France pendant 10 ans. Une expérience plus que formatrice durant laquelle Hélène Lam Trong est envoyée par sa rédaction pour couvrir toutes sortes d’actualités. Elle se retrouve au cœur des événements marquants de ces dernières années, notamment les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan. Un métier rythmé par l’urgence où l’on ne sait jamais comment va passer sa journée.


Face à ce quotidien instable, elle ressent le besoin de voir autre chose et décide de se tourner vers le secteur indépendant et la réalisation de documentaires. Désormais libre de ses sujets, elle s’attaque à des enjeux variés : l’inceste, les femmes enceintes en prison, la maladie chez les jeunes, l’extrême droite sur les réseaux sociaux, Daech et les enfants de terroristes ou encore, pour son prochain projet, la couverture médiatique de la guerre à Gaza… Mais son fil conducteur reste le même, celui d’aborder des sujets tabous et sensibles. Un parti pris qui lui a valu le Prix Albert Londres l’année dernière pour son documentaire Daech, les enfants fantômes (2019). Aujourd’hui, la journaliste enchaîne la réalisation de documentaires, sans coupure. Cette profession reste mal rémunérée et il est nécessaire de vendre en amont son documentaire à des producteurs et diffuseurs, ce qui prend du temps. Elle travaille donc toujours sur plusieurs projets en même temps.
Lors de cette rencontre, Hélène Lam Trong a interrogé les élèves sur leurs habitudes d’information et les journalistes qu’ils connaissaient. Parmi les noms cités, les journalistes de terrain étaient minoritaires, alors que cette pratique est, selon elle, plus que nécessaire, surtout dans les zones de guerre.

« Aujourd’hui, on associe beaucoup la figure du journaliste à ceux qui ont des followers et ne sont pas sur le terrain (…) J’ai l’impression qu’il faut réenchanter le journalisme de terrain ».
La discussion s’est poursuivie sur l’évolution du métier de journaliste, de la neutralité de l’information et des points de vue médiatisés. Le journalisme a longtemps exprimé un regard uniforme d’une classe bourgeoise qui pratiquait en grande majorité ce métier. Mais le contexte a grandement changé ces dernières années. Avec l’émergence des réseaux sociaux, les contres discours ont également pu se créer une place. Cependant, il ne suffit pas d’avoir un portable pour être journaliste, rappelle Hélène Lam Trong. Cette profession nécessite du travail, une méthodologie, la vérification de ses informations, et un questionnement intellectuel constant.
« Aujourd’hui, on a besoin de jeunes journalistes, de toute origine sociale et ethnique. »
Les lycéens ont également posé de nombreuses questions sur son documentaire Les Vivants, qu’ils ont vu en amont. La réalisatrice a exprimé son envie de susciter l’intérêt des jeunes pour le monde qui les entoure, ce qui a été le point de départ de ce projet produit France TV Slash et destiné à un public adolescent et jeune adulte. Pour ce documentaire, elle a suivi des jeunes dans leur combat contre le cancer, trouvant un soutien sur les réseaux sociaux. Elle a expliqué aux lycéens la préparation de ce tournage, son rapport aux personnes qu’elle a filmé et la relation qu’elle établit avec eux. Pour réussir à raconter ces histoires, aucune séquence n’est écrite mais elle s’assure de suivre ces jeunes à des étapes importantes. « Le travail de documentaire, c’est de raconter la réalité. »
Questionnée sur la composition de son équipe de tournage, la réalisatrice a précisé travailler avec, au minimum, un chef opérateur, un ingénieur son, un monteur, un compositeur de musique, un étalonneur, un mixeur, avec parfois un graphiste. S’ajoutent à cela le producteur et son équipe. Selon le sujet et la zone couverte, elle peut faire appel à un fixer sur place pour l’aiguiller.
La journaliste a par ailleurs partagé quelques-unes de ses expériences les plus marquantes, notamment son travail sur Daech et l’après-guerre à Raqqa, ancienne capitale de l’État islamique en Syrie. Elle y a passé un mois pour documenter la vie des habitants laissés sans ressources. Elle a également évoqué les défis logistiques et financiers du journalisme de terrain, notamment les coûts élevés de la sécurité et des assurances en zones de guerre.

Encourageante avec les élèves, Hélène Lam Trong a souligné que le journalisme est un domaine passionnant et nécessaire mais exigeant. Le secteur professionnel étant plutôt bouché, il faut être proactif. De son côté, elle a choisi de se pencher sur des thèmes tabous et des angles d’approches peu exploités, ce qui lui a réussi. Son conseil pour conclure la rencontre ? « Tout ce qui fait que vous êtes différents des autres est la chose à cultiver ».