
Deux classes de seconde, une classe terminale spécialité théâtre et des lycéens (tous niveaux) intéressés par le cinéma, encadrés par une professeure documentaliste et un professeur de lettres et théâtre.
Chaleureusement accueilli par Alexia Soury, professeure documentaliste du lycée René Cassin, Fabien Gorgeart est revenu sur les lieux qui ont marqué son adolescence. Près de trente ans plus tard, l’établissement a bien changé et c’est avec émotion que l’artiste a redécouvert ses anciens repères, notamment le gymnase où sa passion pour le théâtre est née. Après un repas à la cantine, il a rencontré les lycéens dans le nouveau théâtre Charlotte Delbo du lycée.
Avec beaucoup d’enthousiasme, il a évoqué ses années de lycée, entre 1993 et 1995, qui ont été extrêmement déterminantes pour lui et parmi les plus heureuses de sa scolarité : « J’ai vraiment été marqué au fer rouge par mes années au lycée, je les ai adorées, essentiellement grâce au théâtre ». Rêvant de faire du cinéma, Fabien Gorgeart a intégré la première promotion de la spécialité théâtre du lycée, afin de s’en rapprocher le plus possible. Dès son premier cours en seconde, il s’est senti à sa place et a vécu par la suite des moments forts, dont il a partagé quelques anecdotes avec les élèves.


Après le lycée, il s’est inscrit à la faculté de cinéma avec l’objectif d’obtenir un DEUG avant de tenter l’entrée à la Fémis. Il a confié aux élèves avoir adoré cette formation, un lieu où le cinéma devenait un sujet de réflexion et où il a rencontré des passionnés partageant ses aspirations.
« Le cinéma, c’est aussi une manière de se perdre dans la réflexion, dans l’émotion, d’aller requestionner ses émotions, les réinventer. »
Cependant, ses projets ne se sont pas déroulés comme prévu. Par nécessité financière, il a dû travailler très tôt. Malgré cela, il n’a pas abandonné le théâtre et a monté une compagnie avec une camarade de lycée, avec qui il est parti à Marseille. L’expérience a été éprouvante, les conduisant à revenir en région parisienne où ils ont tenté de monter leur premier spectacle. Plus tard, Fabien Gorgeart a été engagé par la Compagnie Daru, une troupe de marionnettistes, avec laquelle il a travaillé plusieurs années.
Accumulant les expériences dans le théâtre plutôt que dans le cinéma, son premier objectif, il s’est installé à Paris où il a travaillé dans un cinéma tout en commençant à écrire ses scénarios de courts métrages. Il les envoyait à des productions sans recevoir de retour positif. Ne connaissant personne dans le milieu et voyant ses projets systématiquement refusés, il a finalement créé sa propre maison de production, ce qui lui a permis de défendre ses projets et d’obtenir une subvention. Il a expliqué aux élèves comment cette subvention lui a permis de réaliser son premier court métrage à l’âge de trente ans : « Un jour, une commission en Aquitaine a voté ‘oui’ pour mon scénario de court-métrage, et j’ai eu 40.000 euros. Avec ces 40.000 euros, j’ai pu débloquer une autre aide du département des Landes, qui m’a donné 10.000 euros de plus. Avec cet argent-là, on a fait le premier court métrage qui s’appelle Comme un chien dans une église ».
Ce premier court métrage, primé au Short Film Corner à Cannes, lui a ouvert des portes et lui a permis de rencontrer des producteurs. Par la suite, il a réalisé un court métrage tous les deux ans pendant près de dix ans. À quarante ans, il a trouvé l’idée idéale pour un long métrage et a ainsi réalisé Diane a les épaules (2018).
Avec Clotilde Hesme, actrice principale de Diane a les épaules, Fabien Gorgeart a souhaité renouer avec le théâtre. Ensemble, ils ont monté Stallone, une pièce qui a rencontré un grand succès, notamment aux États-Unis. Cette réussite lui a permis de continuer à alterner entre mise en scène théâtrale et cinéma.
Actuellement, il est en plein montage de son troisième long métrage, C’est quoi l’amour, une comédie explorant la question des anciens amours, avec Laure Calamy, Vincent Macaigne et Mélanie Thierry. Sa deuxième mise en scène, Les Gratitudes, tourne depuis deux ans et il commence à travailler sur sa prochaine pièce de théâtre.

En partageant son parcours, Fabien Gorgeart a tenu à encourager les élèves souhaitant s’orienter vers un métier artistique à persévérer. Il a confié que revenir au lycée avait suscité en lui une grande émotion : « À l’époque, quand j’étais à votre place, ça paraissait tellement impossible, tellement loin… et puis ça l’a fait. C’est ça que j’avais envie de partager avec vous ». Il a insisté sur le fait qu’il ne venait pas d’un milieu artistique : son père était chauffeur routier, sa mère faisait des ménages et la culture occupait peu de place chez lui. Pourtant, il a réussi à se frayer un chemin vers le métier qu’il désirait.
« Peu importe le statut social qu’on a, il faut quand même poursuivre nos rêves. » – Fatima, élève de seconde

Par la suite, il a échangé avec les élèves qui avaient vu son film La Vraie Famille (2021) et étudié Stallone, une nouvelle d’Emmanuèle Bernheim qu’il a mise en scène. Ceux-ci avaient de nombreuses questions sur le film, auxquelles le cinéaste a répondu en évoquant son développement, l’écriture du scénario inspiré de son histoire familiale, le choix des acteurs, le travail avec eux et le tournage.
Il a également expliqué aux élèves les différentes étapes de fabrication d’un film, la post-production et la promotion. Lorsqu’un élève lui a demandé ce qu’il attend d’un acteur, il a répondu que l’essentiel était d’être en accord avec l’émotion que la scène doit susciter, d’avoir une grande capacité d’improvisation et d’invention. Il a cependant souligné qu’un comédien ne peut jamais totalement maîtriser ce qu’il renvoie.
Interrogé sur les moments difficiles de sa carrière, il a confié : « J’ai connu des périodes creuses parce que je n’avais pas les bons projets ». Pendant des années, il a dû exercer des « boulots alimentaires », ce qui n’est plus nécessaire aujourd’hui. Enfin, il a conseillé aux élèves de trouver des astuces pour faire face à l’attente et à la lenteur avec laquelle les projets se réalisent. « Si tu as la foi et la croyance, il faut juste trouver les stratégies en toi pour supporter le temps qui passe ».
Pour conclure, une classe de seconde a souhaité lui présenter un projet de sensibilisation au cyberharcèlement : un court métrage de prévention qu’ils ont écrit, réalisé et monté.
« (La rencontre) est une richesse, c’est une ouverture culturelle, une ouverture d’esprit. » – Alexia Soury, professeure documentaliste