Emilie Tronche
Réalisatrice, scénariste
Ecole du centre, Sucy-en-brie (94)
11 fév.
« J’adore cette liberté qu’il y a dans mon métier. (...) J’aime bien avoir une feuille blanche et me dire que là, je peux tout créer. »

76 élèves de CM1 et CM2, encadrés par deux professeures des écoles.

Chaleureusement accueillie par son ancienne professeure, Madame Bentolila, toujours en fonction, Émilie Tronche est retournée à l’École Primaire du Centre de Sucy-en-Brie, où elle a été scolarisée au début des années 2000. Au cours de deux rencontres d’une heure, elle a échangé avec 76 élèves de CM1 et CM2 sur son parcours et son métier.

Avec la spontanéité propre à leur âge, les élèves lui ont posé de nombreuses questions sur ses souvenirs d’école et son enfance. Parmi les sujets abordés figurait le spectacle annuel des élèves, organisé par Madame Bentolila. Celle-ci a retrouvé la brochure du spectacle de l’année d’Émilie Tronche. À l’époque, elle y tenait le rôle de narratrice dans Le Corbeau et le Renard. Avec les élèves de CM2, actuellement en pleine préparation de leur représentation, ils ont récité ensemble la fable. Émilie Tronche a confié que, si elle aimait l’école à leur âge, réciter des poésies devant la classe était pour elle une grande source de stress.

Les élèves l’ont également interrogée sur les matières qu’elle préférait, ses dessins animés favoris et ses goûts musicaux.

Au fil de la discussion, ils ont aussi répondu aux questions qu’Émilie Tronche leur posait en retour et ont rebondi sur les sujets qui les animaient. Certains ont parlé des jeux auxquels ils aiment jouer ou des dessins animés qu’ils regardent, tandis que d’autres ont partagé leurs passions : l’un a mentionné son intérêt pour la création de bandes dessinées, un autre a évoqué sa pratique intensive de sports de combat.

« Les élèves avaient travaillé sérieusement en amont les questions à poser. Ils étaient intéressés par les réponses ; je trouve qu’il y avait un échange possible, et ça a pu peut-être susciter des vocations. » – Madame Ferrand-Matton, enseignante et directrice de l’École du Centre

Une grande partie des échanges a également porté sur la série d’animation Samuel, dont les élèves avaient visionné les premiers épisodes en classe. Certains, très fiers, ont raconté l’avoir regardée en entier chez eux. Émilie Tronche leur a expliqué le processus de création de la série, largement inspirée de ses souvenirs d’enfance, ainsi que ceux de sa mère et de sa sœur, toutes deux enseignantes. Pour concevoir ses personnages, elle s’est appuyée sur des figures familières de son passé : ses amis d’école, ses sœurs, sa voisine. Les élèves ont reconnu plusieurs lieux directement inspirés de la ville et de l’école. La « descente de la mort » fait notamment référence à deux rues pentues de Sucy-en-Brie, tandis que certains éléments de l’école, comme le préau, leur étaient familiers. Celui-ci, ainsi qu’une grande partie de l’établissement dont la classe de Madame Bentolila et le terrain de foot, sont restés à l’identique depuis le passage d’Émilie Tronche.

Par manque de moyens, mais aussi par souci d’efficacité, elle a par ailleurs expliqué avoir elle-même doublé tous les personnages. Elle a fait une démonstration de la voix de Samuel. Elle a également assuré l’enregistrement sonore de certains épisodes. Pour l’un d’eux, où les élèves jouent à l’épervier, elle a raconté avoir accompagné une sortie scolaire avec la classe de sa mère et capté les sons réels du jeu sur le terrain.

Curieux et enthousiastes, les élèves avaient de nombreuses questions assez précises sur les personnages, notamment sur l’absence de nez. Émilie Tronche a expliqué qu’elle n’avait tout simplement pas eu envie de leur en dessiner, soulignant que « quand on crée un personnage, on peut tout choisir ». Une autre élève a remarqué une ressemblance entre sa coupe de cheveux et celle de Samuel, ce à quoi elle a répondu : « quand on dessine des personnages, on se dessine un peu au fond ». Concernant l’apparence des personnages, un élève a demandé pourquoi elle n’avait pas intégré de personnages en situation de handicap. Elle a expliqué qu’à l’origine, Samuel était un projet personnel qu’elle réalisait pour elle-même et ses proches, sans penser à un public extérieur. Cependant, face à l’ampleur qu’a pris la série, elle a précisé que c’est un point qu’elle compte faire évoluer dans la prochaine saison.

Les élèves s’intéressaient aussi au format de la série. Émilie Tronche a justifié la durée des épisodes en expliquant que ce qu’elle souhaitait raconter tenait en quatre minutes. Elle a ajouté avoir composé chaque épisode comme une chorégraphie, en jouant sur le rythme. Quant au choix du noir et blanc, il répond avant tout à un souci de rapidité, mais elle trouve aussi que cela correspond bien à l’idée d’un journal intime, comme des dessins esquissés à la va-vite dans le coin d’un cahier. Toutefois, elle a confié que les couleurs lui manquaient et qu’elle aimerait en intégrer dans ses prochains projets.

Au cours de cette rencontre, Émilie Tronche a parlé de son parcours et expliqué que, depuis l’enfance, elle aime les films d’animation, écrire des histoires et dessiner. En terminale, lorsqu’il a fallu faire un choix d’orientation, elle a pensé au cinéma d’animation et s’est inscrite en année préparatoire pour apprendre à dessiner. Elle a ensuite intégré une école d’animation à Angoulême et, quatre ans plus tard, a été diplômée. Alors en pleine période de COVID, elle a précisé :

« J’ai eu envie de retourner dans un moment qui m’a fait du bien, là où j’étais heureuse ». Et c’est ainsi qu’elle a créé Samuel, un projet qu’elle a réalisé au cours des trois années suivantes. Elle a ajouté qu’un livre sur cette première saison sera publié en mai prochain et qu’elle travaille actuellement sur une bande dessinée sur Bérénice.

Répondant aux questions des élèves, elle a également expliqué ce qu’est le métier de réalisatrice et comment un film d’animation est créé. Ne travaillant pas sur des feuilles de papier, elle utilise un écran numérique Cintiq. Elle a détaillé le long processus d’animation, précisant qu’une seconde nécessite douze dessins, et a ajouté qu’« il faut beaucoup de patience pour faire un dessin animé ».
À la question d’un élève qui lui a demandé s’il est difficile d’être réalisatrice, Émilie Tronche a répondu qu’il y a de très bons moments et d’autres plus difficiles, avec un manque d’inspiration et des doutes face à son travail. « Dans ce métier, on est toujours face à ses propres émotions (…) Parfois, on est très dur avec soi-même, on est son pire juge (…) mais c’est pour ça que l’entourage est hyper important, parce que c’est eux qui peuvent nous rassurer, nous conseiller ». 

Les élèves lui ont également demandé de quelle manière elle était rémunérée. Elle a répondu que les réalisateurs sont généralement rémunérés au début par les producteurs qui achètent le projet, ajoutant qu’elle est, par exemple, également payée lorsque Samuel passe à la télévision. Elle a expliqué qu’elle ne gagne jamais la même somme d’argent, avec des périodes plus lucratives que d’autres. À la question de savoir si elle dessine pour l’argent ou pour le plaisir, elle a répondu : « Il faut que ça soit d’abord guidé par une envie sincère, et l’argent vient après ».

Pour conclure cette rencontre et à la grande joie des élèves, Émilie Tronche a dessiné quelques personnages de la série au tableau, déclenchant des applaudissements enthousiastes.

« (un conseil) : ne pas essayer de répondre à des attentes, faire confiance en ses envies, en ses choix et en ce qui nous plaît. » – Emilie Tronche