
130 élèves dont 84 élèves de première de spécialité HLP et les élèves de l’atelier cinéma et de l’option musique (seconde, première et terminale), encadré par un professeur de français
Lorsque notre association Un Artiste à l’école a pris contact avec l’équipe pédagogique du lycée Sophie Berthelot, notre proposition de rencontre a été accueillie avec grand enthousiasme par Monsieur Fetel, professeur de français et passionné de cinéma, qui anime depuis vingt ans un atelier cinéma au sein de l’établissement. Pour préparer ce projet, il a emmené les élèves au Cinéma L’Alhambra de Calais, où était projeté Le Règne Animal.
Après une visite des lieux qui, malgré les différentes rénovations de ces trente dernières années, a rappelé des souvenirs à Raphaël Sohier, la rencontre avec plus d’une centaine de lycéens a commencé. Avant de répondre aux questions des élèves, le monteur son et lauréat du César du Meilleur Son 2024, est revenu sur son adolescence et le début de sa carrière. Rien ne le prédestinait à une carrière dans le cinéma, a-t-il souligné.

Dans son parcours, un premier jalon marquant a été la proposition de sa mère qui lui laissait le choix entre suivre des cours de catéchisme ou s’inscrire à une école de musique. Choisissant la deuxième option, il est tombé dans une classe d’électro-acoustique. Il a appris à enregistrer des sons, composer avec un synthétiseur, toucher aux percussions. Sans le savoir, cet attrait pour la musique et le son l’a aidé pour la suite de sa carrière.
Il a passé toute son adolescence au Lycée Sophie Berthelot. Élève plutôt moyen, il a cependant été marqué par quelques professeurs qui lui ont enseigné le goût pour la littérature et l’étude de textes, en changeant au passage sa vision de l’apprentissage. Certains d’entre eux sont aujourd’hui devenus de bons amis, notamment sa professeure d’anglais.
Après sa terminale, Raphaël Sohier part à Lille 3 suivre un deug en histoire de l’art (équivalent d’un bac +2 à l’époque). Il a alors en tête l’idée de devenir archéologue ou conservateur de musée. Lors de ce cursus, il choisit une option filmologie et se retrouve face à un professeur, Charles Tesson, qui jouera un rôle déterminant dans son orientation professionnelle. Ce dernier lui transmet sa passion du cinéma, et lui conseille vivement de se diriger vers ce domaine. Un choix plus que logique aux vues de ses intérêts pour le cinéma et la composition sonore, auquel Raphaël Sohier n’avait jamais songé. Il passe alors le concours de la fémis et se confronte pour la première fois à une épreuve aussi exigeante et sélective. Abandonnant son idée initiale de poursuivre en master ses études d’Histoire de l’art, il part à Paris et intègre le département son de la Fémis.
Un élève lui a demandé des conseils sur la préparation de ce concours. Raphaël Sohier a suggéré d’«aller beaucoup au cinéma, de manger des films, ce qui te permet de faire ta culture et voir ce qui résonne en toi et ce dont tu te sens proche ». Donnant quelques détails sur le déroulé de ses épreuves, il se rappelle avoir composé une pièce musicale faite à partir de bruits de mouches qu’il avait enregistrés. Interrogé sur ses premiers souvenirs marquants de cinéma, le monteur son a mentionné le documentaire animalier La griffe et la dent (François Bel et Gérard Vienne, 1976), que sa grand-mère l’a emmené voir au cinéma, sans savoir que le film était assez violent, avec de nombreuses scènes de chasse. Coïncidence amusante, Michel Fano, le compositeur musical de ce documentaire, a été son directeur de département à la Fémis. Dans cette école, il a été formé aux différents métiers du son et a testé tous les postes possibles (cadreur, monteur…). Il a été assistant son sur un tournage de fiction, mais garde un mauvais souvenir de l’ambiance du plateau. Cependant, il a continué de faire du tournage documentaire. Il a commencé le montage son car il aimait la proximité avec le réalisateur, offerte par la salle de montage.
En effet, il précise que son métier est composé à 80% de psychologie, afin de comprendre ce que veut le réalisateur et de l’accompagner au mieux. « Il faut travailler ensemble, il faut accepter de se tromper et être humble ».
« La grande richesse de ce métier c’est qu’on se confronte à des univers aussi différents »
Questionné sur son réseau professionnel et la manière dont il trouve ses projets, Raphaël Sohier précise que les réalisateurs et les productions font appel à lui non pas pour son CV, mais sur recommandation, car cela s’est bien passé avec quelqu’un auparavant. En France, les équipes son sont très réduites (6-7 personnes) comparées aux Etats-Unis, où elles peuvent être composées de 15-20 personnes. Elles comportent généralement un ingénieur du son, un monteur parole, un monteur son, un mixeur, un bruiteur et des assistants. Généralement, il faut compter 2-3 mois de travail sur un petit film et 4 mois pour un plus grand projet.
Le monteur – qui se balade toujours avec un enregistreur dans son sac, au cas où il entend un son particulier – est revenu sur les particularités du Le Règne Animal : le personnage de fix et ses coachs d’oiseaux, le dispositif de prise de son sur le tournage où Raphaël Sohier était présent et les sons qu’il a enregistrés par la suite. Il explique s’être rendu dans un supermarché près de chez lui pour enregistrer les annonces micro des caissiers, avoir détruit une voiture prêtée par son copain garagiste, avoir allumé des fumigènes dans son jardin, s’être approché de toute sorte d’animaux, du renard au ragondin… Ce côté « bricolage » l’amuse beaucoup.
« Tout ce que vous entendez dans un film est reconstitué. On reconstruit tout avec les intentions du réalisateur. On n’est pas lié à la contrainte de ce qui a été pris sur le tournage. Tout est un choix de matière. »
Interrogé sur les projets sur lesquels il a préféré travailler, le monteur son avoue qu’il a du mal à être objectif et à détacher la partie sonore du rendu global du film mais il a adoré le rendu final de Women at war. Il aime également sa collaboration avec Andrea Arnold, car elle pousse à tester de nouvelles choses.
Interrogé sur la question du futur de son métier face à l’IA, le monteur son a affirmé qu’il avait confiance car, même si l’outil change, l’intention artistique est toujours fondatrice et nécessaire. Pour le cas du Règne Animal, les dialogues de Fix sont passés par une intelligence artificielle pour fusionner avec des bruits d’oiseaux et environ 5% de cette matière a été utilisée.
Cette rencontre s’est clôturée après deux heures d’échanges passionnants, et de nombreux élèves ont profité de l’occasion pour venir prolonger la discussion avec Raphaël Sohier autour de quelques questions plus personnelles et précises.



Presse
Nord Littoral – 21 mars 2025
La Voix du Nord – 21 mars 2025